Quand les rapports non protégés peuvent déboucher sur une démence
- Dr Claude Leroy
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales de MediQuality
De nombreuses personnes vivant avec le VIH développent des troubles neurocognitifs qui y sont associés malgré un traitement antirétroviral très efficace. Il s'agit d'un spectre d'anomalies comportementales, psychomotrices et cognitives qui vont du simple dysfonctionnement cognitif subclinique à la démence franche. Le traitement antirétroviral a modifié le paysage de ce dysfonctionnement cognitif, le faisant passer d'une prédominance de la démence à des formes de déficits plus légers, mais il toucherait encore – selon les études - entre 15 et 55% des patients malgré un bon contrôle virologique. Eléments d'explication.
Une macroautophagie dérégulée est impliquée dans la pathogenèse de ce dysfonctionnement cognitif. Au départ du mécanisme, l'incapacité (sauf cas exceptionnels) à éradiquer les réservoirs viraux entraîne une exposition continue des cellules aux protéines virales toxiques, dont la VIH Nef. Cette dernière est une petite protéine sans activité enzymatique mais qui a un impact important sur de nombreux processus, en interagissant avec une multitude de protéines cellulaires. Exprimée au niveau extracellulaire par les cellules infectées (y compris par les astrocytes), même en présence d'un traitement antirétroviral suppressif, elle agit à la surface des cellules ou en entrant dans les cellules voisines, entraînant une altération de leur fonctionnement, des lésions et leur mort.
Il semble que la protéine Nef, en position intracellulaire ainsi qu'extracellulaire, contribue au développement d'un dysfonctionnement cognitif. Exprimée même en présence d'un traitement suppressif, elle affecte, tout comme certains antirétroviraux, l'autophagie dans les cellules qui ne font pas partie du système nerveux central. Or la fonction astrocytaire, qui est essentielle à l'homéostasie microenvironnementale du SNC et à la santé neuronale, a besoin de l'autophagie pour sa propre homéostasie.
Des chercheurs ont étudié le flux général et sélectif dans des astrocytes humains traités avec du Nef et/ou un ART constitué de ténofovir/emtricitabine/raltégravir en utilisant une technique de fluorescence appelée Western blotting et la microscopie électronique à transmission. Après 24 heures de traitement, la Nef et l'ART entrainaient une diminution du nombre d'autophagosomes par des mécanismes différents : alors que la Nef accélère la dégradation des autophagosomes, l'ART en inhibe la formation. La combinaison Nef+ART réduit encore plus les autophagosomes, par association de ces deux mécanismes. De plus, la Nef et l'ART inhibent la dégradation lysosomale de la protéine adaptatrice p62, ce qui indique que la Nef et l'ART affectent différemment l'autophagie globale et sélective.
Continuer à sortir couvert
Cette dérégulation des deux processus autophagiques se maintient jusqu'à 7 jours après le traitement par la Nef et/ou l'ART. Logiquement, la dérégulation persistante de l'autophagie, liée à une exposition chronique à la Nef et/ou à l'ART, peut finalement entraîner un dysfonctionnement des astrocytes et des neurones débouchant sur des troubles cognitifs plus ou moins sévères.
Un take home message pourrait consister en une information destinée aux jeunes qui s'adonnent aux rapports sexuels non protégés : non seulement ce comportement est à l'origine d'une nouvelle flambée des MST (syphilis y compris), mais le traitement d'une éventuelle infection par VIH, s'il sauve désormais la vie, ne permet pas nécessairement d'échapper à des conséquences indirectes de la présence du virus et du traitement.
Cet article a initialement été publié sur le site internet MediQuality.
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