Quand les filtres Snapchat créent de nouveaux troubles

  • Rajanala S & al.
  • JAMA Facial Plast Surg

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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Trois dermatologues américains viennent de publier un point de vue dans JAMA Facial Plastic Surgery afin de sensibiliser la communauté médicale sur les conséquences psychologiques du recours invétéré aux selfies et aux filtres : en rapportant leur expérience personnelle et en résumant quelques données disponibles, ces auteurs remarquent que la perception de la beauté est en train d’évoluer.

Avant l’ère des réseaux sociaux, chacun pouvait idéaliser la beauté standardisée d’une célébrité, passée au tamis de Photoshop et c’est avec ce type de clichés que les personnes en demande se présentaient en consultation. Désormais, grâce à Snapchat ou Facetune, chacun peut disposer en un clic d’une image idéalisée et retouchée de soi, et la poster sur les réseaux sociaux. Progressivement, cette image filtrée, sur laquelle la peau est plus soyeuse, le nez plus fin, la bouche plus pulpeuse, peut devenir la source d’une insatisfaction vis-à-vis de son apparence réelle, confortée par l’accumulation des likes l’accompagnant. De quoi créer un manque de confiance et d’estime de soi, et d’accroître le risque de dysmorphophobie, un trouble obsessionnel compulsif fondé sur un trouble de l’image de soi et la peur de la dysmorphie corporelle.

Une enquête conduite auprès d’une centaine de jeunes filles de 13 ans en moyenne a ainsi montré que celles qui partageaient le plus régulièrement des images d’elles sur les réseaux sociaux présentaient plus souvent une insatisfaction par rapport à leur corps et surévaluaient plus souvent leur poids et leur forme corporelle. Elles étaient aussi plus préoccupées par l’image de soi, par l’alimentation et par l’aspect des selfies et les manipulaient plus souvent.

L’American Academy of Facial Plastic and Reconstructive Surgery a, elle, mené une enquête auprès de ses membres en 2017 qui a montré que 55% d’entre eux ont reçu des personnes souhaitant avoir une apparence plus conforme à celle de leurs selfies, alors qu’ils n’étaient que 42% l’année précédente et que cette demande n’existait pas il y a 5 ans. Alors qu’une rhinoplastie visant à supprimer la bosse du nez constituait la principale demande il y a quelques années, la rectification de l’asymétrie du nez et du visage est aujourd’hui très demandée.

Les adolescents ainsi que les personnes souffrant d’ores et déjà de dysmorphophobie sont sans doute les plus vulnérables face aux conséquences des filtres pour selfies sur l’estime de soi… « Le choix n'est pas une intervention chirurgicale, qui n'améliorera pas mais pourrait même aggraver la dysmorphophobie sous-jacente si elle est présente, insistent les auteurs. Le traitement consiste en une prise en charge psychologique, telles que la thérapie cognitivo-comportementale », tout en rappelant la nécessité d’une « approche empathique et non critique de la part du clinicien ».