Quand le conseil de l'Ordre retoque des contrats de médecins
- Jacques Cofard
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- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Les contrats de travail « en rétrocession » de médecins salariés dans des centres de santé en Ile de France ont été retoqués par l’Ordre des médecins, qui y voit une infraction au Code de déontologie, une incitation à faire du quantitatif versus du qualitatif. Interview du Dr Éric May, vice-président de l'Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCCS).
Un salariat fondé sur la rétrocession de la valeur des actes
Ils sont au désespoir. Et pour cause : en pleine pénurie médicale, alors que le recrutement de médecins est un véritable chemin de croix, l'Ordre des médecins trouve le moyen d’interdire l'embauche de médecins salariés en rétrocession d'honoraires.
« Ils », ce sont les centres de santé, en région parisienne, dont nombre de contrats de médecins ont été révoqués par le service juridique de l'ordre de Paris.
En cause : le type de contrats proposés par ces centres de santé, sous la forme de rétrocessions d'actes. « Les médecins y sont salariés mais le salariat est fondé sur la rétrocession de la valeur des actes. Les centres municipaux rémunèrent plutôt à la fonction mais les centres mutualistes préfèrent une rémunération à la rétrocession. Cela existe depuis toujours et cela concerne toutes les spécialités », précise le Dr Éric May, vice-président de l'Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCCS).
Comment donc expliquer que, depuis quelques mois, l'Ordre de Paris se mette en tête de retoquer ces contrats en rétrocession ? « Les membres de l’Ordre avaient déjà agi de la sorte il y a quelques années, puis avaient laissé passer ce type de contrats. Maintenant ils sont de nouveau plus sévères », nous avertit un médecin employé par la ville de Paris.
« Normes de productivité »
Mais pourquoi donc, de manière périodique, s'en prendre à ces contrats salariés en mode rétrocession ? Parce que les recettes liées à la rétrocession sont par définition liées au nombre d’actes réalisés, à la « productivité », ce qui parait antinomique avec le statut de salariat.
« Le Conseil de l'Ordre de Paris s'appuie sur l'article 97 du code de déontologie. Cet article stipule : "Un médecin salarié ne peut, en aucun cas, accepter une rémunération fondée sur des normes de productivité, de rendement horaire ou toute autre disposition qui auraient pour conséquence une limitation ou un abandon de son indépendance ou une atteinte à la qualité des soins". »
Et, selon le médecin de la ville de Paris, il n'y a pas de fumée sans feu : « les centres de santé COSEM (Coordination des Œuvres Sociales et Médicales) insistent beaucoup sur la productivité des médecins. Aussi, il est fort probable que l'Ordre de Paris soit devenu plus sévère pour punir ce genre de centres. »
« Mesure totalement injuste et autoritaire »
Mais les établissements qui ont vu leurs contrats retoqués ces derniers temps ne font pas partie du Cosem : « Il y a actuellement une dizaine de contrats qui ont été bloqués dans des institutions très sérieuses, comme la ville de Paris, mais aussi la mutualité ou encore des établissements Fehap. Ce sont des centres qui participent aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ils pratiquent le secteur 1 et pour certaines spécialités, ce sont les seuls pratiquer ce type de facturation dans la capitale », ajoute le Dr Éric May. Lequel dénonce aussi l'extrême agressivité des courriers adressés par le CDOP aux centres de santé. Quoi qu'il en soit, la situation semble actuellement dans un cul-de-sac. Pourtant, elle n'est pas nouvelle : « Nous avions commencé à réfléchir à la question en 2018/2019. Nous avions même mis en place un groupe de travail, avec le Dr Francis Simon du conseil national de l'ordre des médecins, mais ce groupe de travail ne s'est jamais réuni », déplore le Dr Éric May.
« C'est une mesure totalement injuste et autoritaire, qui interroge. J'ai demandé un moratoire sur toutes les décisions prises par des ordres départementaux en attendant la mise en place d'un groupe de travail », ajoute-t-il. « D'autant qu'il n'y a pas que les contrats en rétrocession qui semblent menacés. Les contrats mixtes, avec une part fixe égale au smic, sont également dans le viseur du CDOP », explique le Dr May.
Contrats mixtes
Ces mesures de rétorsion, pour lui, sont totalement arbitraires, car les rémunérations des médecins de centres de santé sont bordées par des contrats de travail. « Je demande à ce que l'on me prouve que ce type de rémunération intente à la qualité des soins. »
Sans verser dans la paranoïa, le Dr May se demande pourquoi ce genre de mesures est pris par l'Ordre de Paris, au moment où les centres de santé sont en plein développement. S’il reste prudent, il pense néanmoins que l’Ordre est prêt à accepter les contrats de rétrocession, à condition que leur proportion soit abaissée. Actuellement, pour la plupart de ces contrats, les médecins rétrocèdent 50% de leurs honoraires. Selon certaines sources syndicales, l’Ordre serait prêt à accepter des contrats mixtes, avec une part fixe et une part variable égale à 10% de rétrocession. Contacté, le Conseil départemental de l’Ordre de Paris, mais aussi le Conseil national de l’ordre des médecins, n’ont pas donné suite.
Cet article a été écrit par Jacques Cofard et initialement publié sur Medscape.
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