Quand et comment annoncer une maladie d’Alzheimer ?
- Agnès Lara
- Résumé d’article
À retenir
- Des incertitudes demeurent quant à la physiopathologie et à l’identification exacte de la pathologie en clinique pour un patient donné.
- Dans ce contexte, la consultation d’annonce est un exercice d’équilibriste qui se doit de prendre en compte les représentations du médecin, du patient et de sa famille, et requiert la plus grande prudence.
- S’enquérir de ces représentations et des préférences du patient est la première étape dans le processus de construction de la relation thérapeutique sur un temps long.
Les Docteurs Corvol et Meis de l’Université de Rennes se sont interrogés sur l’annonce de la maladie d’Alzheimer, les difficultés et questions qu’elle suscite, tant pour le médecin, que pour le patient et son entourage, en l’absence de diagnostic de certitude et de traitement curatif.
L’absence de certitude diagnostique
Dans l’état actuel des connaissances, le diagnostic de maladie d’Alzheimer (MA) fait encore débat dans la communauté scientifique en raison d’un lien encore flou entre processus physiopathologie et symptômes cliniques. En effet, si la présence de plaques amyloïdes est associée à une augmentation du risque de présenter des signes cliniques de la maladie, cela n’est pas obligatoire, et les symptômes peuvent même être présents en leur absence. Le DSM 5 propose un diagnostic probable par défaut, en présence d’un déclin progressif et régulier de la mémoire et d’au moins un autre domaine cognitif, en l’absence de mutation génétique caractérisée, et après exclusion d’autres diagnostics psychiatriques, neurologiques ou métaboliques possibles. Un principe difficilement applicable aux formes atypiques de MA, et dont le résultat est susceptible d’évoluer avec la progression de la maladie. Le diagnostic est aussi particulièrement délicat chez les plus âgés chez qui on retrouve fréquemment des processus dégénératifs distincts de ceux de la MA dans les résultats anatomopathologiques post-mortem.
Du côté des patients et de leur famille
Pour les patients, la maladie revêt un caractère terrifiant. Vécue comme une perte progressive d’identité, une lente mort sociale à caractère inexorable, voire honteuse, elle est la pathologie la plus crainte après le cancer. Des représentations qui s’accommodent mal d’une incertitude diagnostique et peuvent conduire le patient au bord du gouffre. Elles questionnent même la désirabilité d’un diagnostic. D’un autre côté, nommer la maladie peut déculpabiliser le patient en lui offrant un statut de malade, et venir éclairer des symptômes mal perçus par l’entourage, tels que la perte d’autonomie ou le manque d’intérêt pour les proches, et ainsi apaiser des tensions … ou au contraire en créer.
Le difficile exercice de l’annonce
Avant et après l’annonce, le médecin doit s’enquérir des représentations du patient et de ses accompagnants vis-à-vis de la maladie, et de ce qu’ils souhaitent ou non savoir. L’annonce est un exercice d’équilibriste visant à la fois à évoquer les limites des connaissances actuelles de la science et l’incertitude de l’évolution individuelle, souligner la complexité sans susciter de faux espoirs. Ce temps partagé entre le médecin, le patient et sa famille doit aussi favoriser un espace de parole au sein duquel il devient possible d’exprimer les peurs, de désamorcer les clichés mortifères, et de rétablir la limite entre représentations et réalité. C’est à ce prix que le patient et sa famille arriveront peu à peu à contenir l’angoisse et à s’engager dans un processus d’élaboration sur la vie avec la maladie.
Choisir le bon moment et élaborer le futur
Y a-t-il un bon moment pour annoncer une Maladie d’Alzheimer ? Différents auteurs ont discuté cette question difficile et la réponse qui s’en dégage est « dès que le patient se sent capable de l’entendre ». Et ce « temps opportun » ne se résume pas à la consultation d’annonce. L’annonce « se prépare, se construit, et s’accompagne, par le médecin, mais aussi par le patient et son entourage ». Un processus qui s’élabore au cas par cas et toujours en concertation. L’annonce est suivie d’une inquiétude légitime concernant le futur dont le patient sait qu’il perdra peu à peu la maîtrise. Le médecin pourra alors proposer des solutions pour préserver l’indépendance autant que faire se peut, avec le concours de la famille et/ou de tiers, et en prenant en compte les envies et les capacités du patient. Choisir avec lui, et non pour lui. Pour les Docteurs Corvol et Meis, l’objectif est avant tout de « protéger sans diminuer », ce qui requiert un soutien du médecin à différents niveaux, médical bien sûr, mais aussi social et juridique.
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