Qu’est-ce que le traitement androgénique bipolaire pour le cancer de la prostate ?

  • Paolo Spriano
  • Actualités Médicales
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La dépendance adaptative des cellules du cancer de la prostate résistantes à la castration à l’égard de la signalisation androgénique devient un obstacle thérapeutique qui peut être utilisé sur le plan clinique par l’administration de testostérone supraphysiologique, une approche appelée « traitement androgénique bipolaire » (TAB). Le terme bipolaire est utilisé pour souligner qu’avec cette stratégie, un cycle rapide se produit entre deux extrêmes : d’un niveau supraphysiologique à un niveau de testostérone proche de celui constaté après une castration sur un cycle de quatre semaines.

L’idée d’utiliser de fortes doses de testostérone comme traitement pour les hommes atteints d’un cancer de la prostate (CP) avancé peut sembler paradoxale, mais c’est le raisonnement des études qui contribuent à un corpus croissant de connaissances, notamment avec l’aide du Centre d’oncologie générale Sydney Kimmel (Sydney Kimmel Comprehensive Cancer Center) de l’Université Johns Hopkins (Johns Hopkins University) à Baltimore.

Justification thérapeutique

Les androgènes peuvent favoriser la croissance du cancer de la prostate, ce qui justifie le recours à la privation d’androgènes comme traitement de première intention du cancer de la prostate. Malheureusement, les cellules du cancer de la prostate s’adaptent à de faibles taux d’androgènes et finissent par atteindre un état de résistance à la castration.

Les résultats de plusieurs études ont indiqué une diminution paradoxale de la croissance tumorale dans les modèles de cancer de la prostate après un traitement par taux supraphysiologiques de testostérone. Les données probantes indiquent la présence de plusieurs mécanismes complémentaires, notamment la mort cellulaire et la cytostase, qui pourraient être responsables de l’inhibition de la croissance paradoxale par la testostérone supraphysiologique.

Le phénomène de résistance

L’« hormonothérapie » est un terme général utilisé pour décrire tout type de thérapie qui bloque la production ou l’action de la testostérone pour traiter le cancer de la prostate. Bien que le terme soit impropre, puisqu’il s’agit techniquement d’une « thérapie antihormonale », l’ancien terme est resté. Les hormones mâles, dont la testostérone, sont appelées androgènes, et le traitement visant à supprimer les hormones mâles est connu sous le nom de thérapie par privation androgénique, ou TPA.

La quasi-totalité des hommes répondent initialement à la TPA, parfois de façon spectaculaire. En fait, avec plus de 90 % des patients présentant une bonne réponse, souvent pendant de nombreuses années, la TPA peut être considérée comme le traitement unique le plus efficace contre le CP. La douleur s’atténue, les taux d’antigène prostatique spécifique (PSA) chutent et la maladie disparaît souvent aux examens d’imagerie. Pourtant, l’hormonothérapie ne permet presque jamais de guérir le cancer de la prostate. Après cette réponse bénéfique initiale, il s’ensuit une période de dormance pendant laquelle les taux de PSA sont faibles et la maladie ne se développe pas. La résistance à la castration n’est pas un phénomène inattendu, elle est le résultat inévitable d’une exposition chronique et prolongée au blocage des récepteurs des androgènes (RA). La durée de cette période est généralement variable. Cependant, entre 1 et 2 ans après le début du traitement, les conditions favorables à la croissance du cancer sont de nouveau réunies par l’augmentation des taux de RA, lesquels peuvent être multipliés par 100 ou plus. Ce taux élevé de RA, paradoxalement, rend les cellules du cancer de la prostate vulnérables à une exposition inattendue à des niveaux élevés de testostérone.

Un nouveau paradigme de traitement

Le TAB est une approche thérapeutique proposée dans des contextes d’étude clinique chez des sujets asymptomatiques atteints d’un cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC) métastatique. Le TAB implique l’administration de quantités suffisantes de testostérone pour atteindre rapidement un niveau supraphysiologique de testostérone dans le sang. Le taux normal de testostérone dans le sang d’un homme de 70 ans est de 300 à 400 ng/dl. Le taux de testostérone chez un homme sous TPA est inférieur à <50 ng/dl. Le TAB est obtenu par l’injection, tous les 28 jours, d’une forme générique de testostérone de longue durée (dépôt), appelée cypionate de testostérone, dans le muscle des fesses. Le terme « traitement androgénique bipolaire » a été inventé pour refléter le fait que sur un cycle de traitement de 28 jours, les taux sanguins de testostérone oscillent entre les extrêmes polaires d’un taux supraphysiologique (1 000 à 3 000 ng/dl) à un taux proche de celui correspondant à la castration (100 à 200 ng/dl). Pour que cela se produise, tous les patients doivent continuer à recevoir une TPA concomitante pendant toute la durée du TAB, et la TPA ne doit pas être arrêtée lorsque le TAB est administré.

Actuellement, le TAB n’est pas recommandé chez les patients atteints d’un CP présentant une douleur osseuse secondaire, une considération qui empêche que son amélioration soit considérée comme une indication de réponse. Le TAB peut cependant améliorer d’autres symptômes, tels que la fatigue, la force musculaire et la fonction sexuelle, qui sont le résultat de la privation androgénique. En ce qui concerne les patients chez lesquels un bénéfice clinique est observé après le TAB, ils ne présentent pas toujours une réduction des taux de PSA, ce qui rend son interprétation compliquée dans le cadre de l’évaluation globale de la réponse au traitement. Cependant, le TAB s’est avéré très efficace pour rétablir la sensibilité et perturber la résistance aux antiandrogènes.

Les principales conclusions de ces études cliniques sur le TAB sont les suivantes :

  • Il peut être administré en toute sécurité à des patients asymptomatiques atteints d’un CPRC métastatique.

  • Il n’entraîne pas une progression symptomatique de la maladie.

  • Il entraîne un maintien du taux de PSA et des réponses objectives chez 30 % à 40 % des patients.

  • Il peut entraîner une resensibilisation et prolonger la réponse à un traitement antiandrogène ultérieur.

Ces résultats pourraient servir de base à d’autres études visant à déterminer la meilleure façon d’intégrer le TAB comme traitement du CP résistant à la castration.

Cet article en provenance d’Univadis Italy a été traduit pour medscape.com.