Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 : accès aux soins et télémédecine

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Emma Ross et Laure Millet, spécialistes de l’Institut Montaigne, se sont penchées sur deux enjeux qu’elles considèrent comme « cruciaux pour l’avenir de notre système de santé » : l’accès aux soins et la télémédecine. Elles ont examiné comment le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) y répondait.

Une quatrième année d’internat en médecine générale

La difficulté grandissante des Français à obtenir un rendez-vous médical est largement documentée et médiatisée, notamment via la thématique des « déserts médicaux ». L’article 23 du PLFSS propose l’ajout d’une quatrième année d’internat pour le diplôme d’études spécialisées de médecine générale. À l’origine, elle devait se dérouler en ambulatoire, et prioritairement dans les territoires sous-dotés, mais le texte final prévoira peut-être qu’à titre « exceptionnel », elle puisse se faire en établissement de santé. Le but était de former les généralistes à la pratique ambulatoire, qui, selon les deux auteures, doit devenir prioritaire pour tous les médecins, généralistes ou pas. En effet, il s’agit d’une part, de répondre à la volonté de la majorité des Français d’être soignés à domicile, d’autre part de « se détacher de l’approche hospitalo-centrée » du système de santé.

Cependant, une fraction importante des internes s’oppose à cet allongement de l’internat. Pour eux, leur formation sera dégradée du fait que les professionnels de santé et maîtres de stage amenés à les encadrer ne seront pas assez nombreux. Pour les auteures de la note de l’Institut Montaigne, « il est nécessaire d’adopter une approche plus globale », portant essentiellement sur l’aménagement du territoire (politique du logement, des transports, infrastructures numériques, nouvelles modalités d’exercice de la médecine, etc).

Elles approuvent les différentes mesures de partage des compétences entre professionnels prévues par l’article 20, qui étend la possibilité de vacciner aux pharmaciens et aux sage-femmes, mais regrettent la suppression de l’article 24ter, qui prévoyait « d’expérimenter un accès direct pour la population aux infirmiers en pratique avancée », dont le nombre devrait atteindre 5.400 fin 2024. Elles souhaitent la mise en place de dispositifs pour inciter davantage les médecins à s’équiper en numérique.

Télémédecine : la frilosité des députés

Alors que presque les trois quarts des utilisateurs de la téléconsultation s’en déclarent très satisfaits et que la plupart des généralistes l’ont mise en place depuis l’épidémie de COVID-19, le PLFSS introduit des mesures fortes de régulation de la télémédecine.

Les sociétés organisant des téléconsultations devront obtenir un agrément soumis à de nombreuses exigences. Un amendement prévoit de plafonner le nombre des téléconsultations entre deux consultations en présentiel, plafond relevé si le médecin connait déjà le patient concerné. À ce propos, les auteures remarquent que « 80% des téléconsultations sont aujourd’hui réalisées avec un patient déjà connu du professionnel de santé. »

Un autre amendement propose qu’elles ne puissent être réalisées qu’avec l’accompagnement d’un professionnel de santé et dans des lieux prédéfinis, donc pas au domicile du patient. C’est dommage puisqu’une consultation à domicile évite bien des désagréments et des frais au patient (et à l’assurance maladie).

Enfin, l'article 43 prévoit que dans le cadre d’une téléconsultation, seuls les arrêts de travail prescrits par le médecin traitant ou par un médecin que le patient a déjà consulté l’année précédente pourront être indemnisés par l'Assurance maladie. Il s’agit évidemment de lutter contre les abus, mais les auteures rappellent que « en 2018, la durée moyenne entre la prise de contact avec le médecin généraliste et le rendez-vous en présentiel était de 6 jours, alors que le délai d'envoi de l’arrêt à l’employeur et à la CNAM est de 48h. »

Pour les auteures, ces propositions « témoignent d'une réticence de certains élus à l’égard de cette nouvelle pratique de santé. » Elles notent enfin qu’elles ont été faites « sans aucune consultation de la société civile experte sur les questions de santé et des usagers eux-mêmes. »