Progrès pharmaceutiques fondés sur l’ARN : il n’y a pas que le Covid 19 !

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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Le progrès rapide et remarquable représenté par les vaccins à ARN messager (ARNm) ne doit pas occulter les avancées thérapeutiques de ces dernières années fondées sur un autre type d’ARN, les ARN interférents (ARNi), et sur les oligonucléotides antisens. C’est l’objet d’une mise au point de l’Académie nationale de médecine.

Les produits disponibles en France

Pour mémoire, un ARNi est un ARN qui interfère avec un ARNm et diminue la traduction en protéine de ce dernier. Actuellement, trois sont commercialisés en France.

  • Le patisiran est utilisé dans le traitement de « l’amylose à transthyrétine chez les patients adultes atteints de polyneuropathie de stade 1 ou 2. » Sa population cible est d’environ 500 patients. Il nécessite une injection intraveineuse toutes les 3 semaines, le prix du flacon s’élevant à 7.500 euros.
  • Le givosiran est indiqué dans le traitement de « la porphyrie hépatique aiguë chez les adultes et les adolescents âgés de 12 ans et plus. » Sa population cible est d’environ 60 patients, pour un coût annuel de l’ordre de 500.000 euros.
  • Le lumasiran est indiqué dans le traitement de « l’hyperoxalurie primitive de type 1 dans tous les groupes d’âge. » Sa population cible est d’environ 200 patients. Il est administré tous les trois mois, avec un coût de 68.000 euros pour une ampoule.

Les nucléotides antisens sont des fragments d’ARN pouvant se lier spécifiquement à un ARNm et compromettant sa traduction en protéine. Ceux disponibles en France sont au nombre de trois.

  • Le nusisernen est indiqué dans le traitement de l’amyotrophie spinale 5q. Sa population cible est d’environ 300 patients. Il est injecté par voie intrathécale tous les deux mois, une dose valant 70.000 euros.
  • L’inotersan est utilisé dans le traitement de « la polyneuropathie de stade 1 ou 2 chez les adultes atteints d’amylose à transthyrétine. » La population cible est évaluée à 500 patients environ. Il est administré par voie sous-cutanée une fois par semaine, pour un coût de 20.000 euros les quatre seringues.
  • Le volanesorsen est indiqué dans le traitement de « l’hyperchylomicronémie familiale et à risque de pancréatite aiguë. » Il est injecté par voie sous-cutanée toutes les deux semaines, pour un coût de 17.380 euros la seringue.

D’autres ARNi et nucléotides antisens sont en développement ou disponibles aux États-Unis.

Des progrès le plus souvent modérés

Le Professeur Gilles Bouvenot, qui a rédigé la note de l’Académie, fait plusieurs remarques sur l’ensemble de ces produits.

  1. Contrairement aux vaccins à ARN anti-SARS-CoV-2, les progrès thérapeutiques qu’ils apportent sont modérés, voire mineurs (selon la Haute Autorité de santé), à l’exception du givosiran, qui réduit de beaucoup le nombre de crises douloureuses des patients.
  2. Les essais cliniques les concernant souffrent souvent d’une méthodologie « sub-optimale », que ce soit sur les critères d’évaluation, les modalités du traitement ou le rythme d’administration.
  3. Leur efficacité est mal connue à long terme, ce qui conduit à estimer que leur évaluation doit être tenue pour provisoire.
  4. Le choix du moment de l’instauration du traitement n’est pas toujours résolu. En particulier, dans certaines pathologies, « on imagine mal que les produits utilisés puissent, au-delà d’une simple stabilisation de la maladie installée, permettre sa régression dès lors que certaines lésions sont constituées comme irréversibles. » C’est pourquoi le diagnostic précoce semble fondamental, ce qui implique leur dépistage.
  5. Leurs populations cibles sont très étroites et leurs prix très élevés, ce qui pose un problème de soutenabilité financière.
  6. Ils sont concurrencés par des produits équivalents en développement, par les thérapies géniques et par l’émergence des traitements fondés sur la technique CRISP-Cas 9.

Enfin l’auteur tient à souligner que « les dates d’obtention des autorisations de mise sur le marché de ces nouveaux médicaments ont presque toujours été superposables en Europe et aux États-Unis, à l’encontre de l’idée reçue que l’innovation est plus tardivement reçue en Europe qu’outre atlantique. »