Pro life, pro choice ou pro soin ?
- Serge Cannasse
- Editorial
Andrea Prudente était enceinte de 16 semaines lorsqu’elle a perdu les eaux après une importante métrorragie. Les médecins ont diagnostiqué un décollement placentaire partiel et conclu à la non viabilité de son fœtus. Ils ont pourtant refusé l’interruption de grossesse par crainte de poursuites pénales, bien que la santé de la mère était en danger. En effet, l’histoire se passe à Malte, où l’avortement est strictement interdit tant que le fœtus est présumé vivant. Malte fait partie de l’Union européenne. La mésaventure d’Andrea Prudente a fait grand bruit aux Etats-Unis : elle est américaine et a dû être transférée en Espagne pour qu’il soit mis un terme à sa grossesse. C’est en effet un scénario semblable qui guette des millions d’Américaines après la décision de la Cour Suprême de revenir sur l’arrêt Roe vs Wade. Du moins en principe, car pour changer d’Etat si elles en habitent un qui restreint drastiquement l’accès à l’avortement, il leur faudra réunir des moyens financiers et humains dont beaucoup ne disposent pas. La conséquence profondément perverse en sera que pour sauver un être humain hypothétique, il soit loisible d’en mettre en danger un autre bien réel.
Hypothétique ? Ça n’est pas sûr, rétorqueront les « pro-life ». Et ils auront raison : qui peut décider du moment où un embryon est pleinement un être humain ? C’est pourquoi plusieurs juristes font remarquer que l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution est problématique, car ici, le droit à la vie s’oppose au droit pour une femme à disposer de son corps. Simone Veil le savait bien, pour qui avorter était toujours une décision difficile et douloureuse. Mais elle savait aussi que malgré le danger, beaucoup de femmes décidaient de passer à l’acte, comme le montre l’émouvant roman d’Annie Ernaux, “L’évènement”, dont Audrey Diwan a tiré un très beau film.
Il y a donc deux options : ou une discussion métaphysique sur l’ontologie, humaine en l'occurrence, voire théologique sur l’incarnation de l’âme, ou une problématique pragmatique qui consiste à se demander comment accompagner au mieux une souffrance (car avorter n’est pas un “confort”). La solution n’est certainement pas dans la proposition profondément hypocrite et méprisante de certains évangélistes américains ou de certains catholiques français à soulager matériellement les femmes dans le besoin. Elle est dans la position courageuse de Simone Veil, toujours d’actualité, d’affronter ses réticences et ses interrogations pour laisser à chacune le droit d’exercer sa liberté dans ce qui la regarde en premier lieu. Liberté. Il semblerait que le mot fasse de plus en plus peur.
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