Pour une législation « encadrée » du cannabis

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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Le constat est archi-connu : malgré une politique de répression parmi les plus sévères d’Europe, la France est le pays qui compte proportionnellement le plus de consommateurs de cannabis du continent : 45% des 15-64 l’ont déjà essayé au moins une fois, contre 27% dans l’ensemble de l’Union européenne. C’est pourquoi le CESE (Conseil économique, social et environnemental) s’est emparé du sujet et a abouti à une proposition audacieuse : adopter « une législation encadrée des usages dits récréatifs du cannabis.1 »

Pour cela, il énonce trois types de mesures.

1. Des mesures d’urgence, consistant à mettre en place « une véritable politique publique de prévention et de réduction des risques spécifiques au cannabis », avec en particulier « un renforcement de la répression du trafic visant directement les mineurs » et « en créant des structures d’accueil et de soins spécifiques ». En effet, de l’avis de l’ensemble des experts, la consommation de cannabis n’est le plus souvent pas problématique2. En revanche, son usage régulier expose à certains risques médicaux (pulmonaires notamment) et surtout peut avoir des conséquences importantes sur le développement cognitif des adolescents, voire des jeunes adultes jusqu’à 25 ans.

Par ailleurs, le CESE propose de « ne plus sanctionner pénalement l’usage et la culture du cannabis à titre personnel », cette pénalisation étant à la source de nombreux trafics et même parfois de problèmes de sécurité pour les acheteurs face aux vendeurs. De plus, seule l’emprise du cannabis chez un conducteur automobile devrait être sanctionnée, après détection par des tests comportementaux simples. En effet, le THC (tétrahydrocannabinol, principe actif) peut être décelé longtemps dans le sang, alors qu’il n’a plus aucun effet psychotrope.

2. Organiser un large débat sociétal. Le but est de construire « un nouveau modèle d’encadrement du cannabis à usage dit récréatif », tenant compte de ses « enjeux sanitaires, sociaux, économiques et environnementaux. »

3. Refondre la législation en suivant plusieurs axes.

  • Développer une politique de réduction des risques, d’éducation, notamment des jeunes, et d’accompagnement des usages à risque.
  • Réguler la production de cannabis, en séparant les filières médicales, utiles (usage textile, par exemple) et récréatives de la culture du chanvre, en faisant de l’agriculture biologique la norme, en encadrant le volume ou les surfaces consacrées à cette culture et en assurant une traçabilité complète et transparente « de la graine à la consommation », sous contrôle de l’État.
  • Développer une politique de sécurité et de contrôle de la qualité des produits et renforcer la répression des trafics en particulier en direction des mineurs.
  • Autoriser la distribution de cannabis aux seules personnes majeures, dans des points de vente dédiés soumis à licence, avec des vendeurs formés à la prévention et un affichage obligatoire des taux des principaux cannabinoïdes.
  • N’autoriser l’usage de cannabis qu’aux seules personnes majeures, avec « une attention particulière pour celles âgées de 18 à 25 ans » et une politique d’accompagnement des mineurs.
  • Créer une taxe spécifique affectée à la prévention et aux soins.
  • Financer la recherche (notamment sur les usages dits récréatifs).
  • Financer la réhabilitation des quartiers et « l’accompagnement des personnes qui ont subi les conséquences du trafic en vue du développement de l’économie locale. »

Le rapport du CESE a-t-il des chances d’aboutir à des résultats concrets ? Le doute est permis. Comme ses rapporteurs le notent, « le traitement de la question du cannabis en France et les débats qui se posent sur le sujet sont souvent réducteurs et caricaturaux. C’est notamment vrai dans la sphère politique où nombre de responsables continuent de défendre une politique de prohibition totalement inefficace. » Il faut par ailleurs noter que ce rapport a été adopté par 87 voix pour, 25 contre et 16 abstentions.