Position des sociétés européennes sur l'apport protéique des insuffisants rénaux âgés

  • Résumé d’article
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A retenir

  • Les Sociétés européennes de nutrition clinique et métabolisme (ESPEN) et le groupe de travail sur la nutrition rénale de l'Association rénale européenne (ERN-ERA) publie un texte établissant une conduite à tenir face à des sujets âgés malnutris ou à risque de dénutrition, et qui ont une insuffisance rénale chronique (IRC).
  • Les personnes âgées atteintes d’IRC doivent avoir une prise en charge nutritionnelle adaptée aux risques liés à la progression de la maladie rénale et à ceux de la malnutrition. Les approches à proposer doivent donc être personnalisées, selon la balance bénéfices-risques individuelle.
  • Le maintien d'un apport élevé en protéines peut être envisagé, voire souhaité, lorsque l'IRC est stable ou progresse lentement, et que le tableau clinique n’est pas grevé par un contexte de comorbidités spécifiques. En revanche, la restriction protéique est préconisée lorsque l'IRC progresse et que l’état nutritionnel est stable.
  • L’adaptation des apports caloriques et protidiques doit tenir compte des préférences et de la qualité de vie du patient.

Pourquoi est-ce important ?

La fréquence de la dénutrition, de la malnutrition et de la sarcopénie augmente avec le vieillissement. Ces affections constituent des problématiques courantes auxquelles sont confrontées les personnes âgées. En conséquence, la Société européenne de nutrition clinique et de métabolisme (ESPEN) a recommandé un apport protéique quotidien d’au moins 1 à 1,2g/kg de poids corporel chez les sujets de 65 ans et plus, contre 0,8g/kg dans la population moins âgée. Cependant, la prise en charge de l'IRC et de ses complications impose une limitation de ces apports protéiques à 0,4-0,6 g/kg/jour chez les patients en IRC non diabétiques et limitée à 0,6-0,8 g/kg/jour pour ceux qui le sont (recommandations KDOQI 2020), dès les valeurs de débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) comprises entre 59 et 30 ml/min/1,73 m².

Qui sont les sujets âgés concernés ?

Un apport énergétique insuffisant est délétère pour la masse et la fonction musculaire. Avant de se pencher sur le sujet des apports protidiques, les apports caloriques doivent également être estimés et adaptés le cas échéant : ainsi, la valeur indicative recommandée est de 30 kcal/kg de poids corporel/ jour chez les personnes âgées, sans passer sous le seuil de 20-25 kcal/kg/jour, et celle en protéines est d’au moins 1 g/kg/jour, sachant que ces valeurs doivent être ajustées individuellement à l'état nutritionnel, au niveau d'activité physique et à l'état de santé du patient. Le texte insiste sur le fait qu’une augmentation de l'apport en protéines de courte durée (comme dans le cas d'une hospitalisation ou pendant la convalescence d'une maladie aiguë) n’a pas d’effet délétère sur la fonction rénale, malgré le risque d’acidose métabolique, d'hyperphosphatémie et d’urémie qui peuvent perturber l'appétit et le bien-être, invitant à une surveillance des différents paramètres biologiques.

Quelle priorité : rénale ou nutritionnelle ?

L'évaluation initiale de l'état rénal et nutritionnel du patient et de son état général vont orienter la décision chez le patient âgé souffrant d'IRC :

- la priorité est donnée à la maladie rénale, lorsqu’elle constitue le principal problème clinique (IRC de stade 4 ou 5) : l’objectif est de maintenir la fonction rénale résiduelle. Des régimes hypoprotéinés sont donc recommandés en cas d'IRC avancée, a fortiori lorsqu’elle évolue rapidement sans facteur déclenchant identifié, ou lorsque des symptômes liés à l’urémie existent, et que l’état nutritionnel est bon.

- la priorité est donnée à la question nutritionnelle lorsque l’altération de l'état nutritionnel et fonctionnel liée à l'âge est le principal problème clinique. La restriction protéique n'est alors pas recommandée et une prise en charge nutritionnelle multimodale est préconisée. Cette catégorie englobe les patients ayant une IRC de stade 3 stable ou évoluant lentement, chez lesquels il existe une malnutrition, une sarcopénie ou une fragilité.

L’approche doit être personnalisée. L’ESPEN et l’ERN-ERA préconisent :

- Un dépistage nutritionnel à l'aide d'outils validés (par exemple MUST, NRS2002) afin d’identifier une malnutrition. Lorsque le diagnostic est posé, le patient doit être orienté vers un spécialiste si c’est possible et nécessaire.

- Une restriction protidique justifiée impose une surveillance attentive de l'état nutritionnel avant et pendant la mise en œuvre, que ce soit sur le plan nutritionnel et de la masse et de la fonction musculaire.

- Les patients doivent recevoir des conseils diététiques et adaptés pour avoir un apport énergétique adéquat.

Ces choix sont évidemment établis sur la base d’une prise de décision partagée avec le sujet âgé. La prescription nutritionnelle doit tenir compte de ses ressources, ses préférences et son mode de vie, et intégrer ceux de sa famille si elle apporte une aide importante.