Polyarthrite rhumatoïde : pourquoi le profil des patients sous inhibiteurs de Janus Kinase n’a-t-il pas changé depuis l’alerte des autorités ?

  • Nathalie BARRÈS
  • Actualités Médicales
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À retenir

  • Aucun changement significatif des caractéristiques des patients en initiation de traitement par inhibiteur de Janus Kinase (JAKi) pour polyarthrite rhumatoïde (PR) n’a été mis en évidence depuis les recommandations de l’EMA de mai 2019.
  • Pour autant, une tendance (non significative) à une moindre initiation d’un JAKi chez les patients ayant des antécédents de thrombose veineuse suggère que les rhumatologues français y sont attentifs.
  • « Indubitablement, des études observationnelles de large envergure sont nécessaires pour quantifier avec précision les risques thromboemboliques attribuables aux JAKi et pour les différencier des risques attribuables à la PR et à ses comorbidités » précisent les auteurs.

Pourquoi est-ce important ?

Les JAKi, sont les premiers représentants des traitements de fonds synthétiques ciblés ou tsDMARDs (targeted synthetic disease-modifying antirheumatic drugs). Des signaux d’alerte de sur-risque thromboembolique ont été émis pour le tofacitinib et le baricitinib.

En mai 2019, l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a recommandé de « ne pas prescrire le tofacitinib à la dose de 10 mg deux fois par jour chez les patients à haut risque de thrombose pulmonaire. Il s’agit notamment des patients atteints d’insuffisance cardiaque, de cancer, de troubles héréditaires de la coagulation sanguine ou d’antécédents de caillots sanguins, ou sous contraceptifs hormonaux combinés, qui suivent un traitement hormonal substitutif ou qui vont subir une intervention chirurgicale majeure. ». À ce jour, aucune donnée ne permet de dire que les JAKi peuvent être responsables d’un sur-risque de thrombose veineuse aux doses recommandées par rapport aux DMARD biologiques (DMARDb).

Méthodologie

Cette étude rétrospective a été menée au sein de 5 centres de soins. Elle a évalué et comparé les caractéristiques des patients – au regard du risque de thromboembolie veineuse – en initiation de traitement par tofacitinib ou baricitinib avant et après la recommandation de l’EMA de mai 2019. Les patients atteints de PR ont été inclus entre octobre 2017 et septembre 2020. Le baricitinib et le tofacitinib ont été approuvés en France en octobre 2017 et janvier 2018 respectivement. Les facteurs de risque de thromboembolie veineuse ont été collectés à l’inclusion. Et la persistance des traitements a été évaluée à 2 ans.

Principaux résultats

Sur les 232 patients inclus, 155 étaient sous baricitinib (76,1% de femmes) et 77 sous tofacitinib (66,2% de femmes). La durée médiane de la PR était de 11 ans pour les deux groupes. Dans le groupe baricitinib, 69% des individus avaient initié le traitement avant les recommandations de l’EMA versus 70% dans le groupe tofacitinib. Le baricitinib était prescrit à la dose réduite de 2 mg/jour chez 18,7% des sujets. Les caractéristiques des patients à l’inclusion n’étaient pas statistiquement différentes, avant et après mai 2019. Sur l’ensemble de la cohorte, 12,9% étaient naïfs de DMARDb à l’inclusion et chez plus de la moitié, le JAKi était initié en 4e ligne de traitement ou plus. La plupart du temps, les JAKi étaient prescrits en monothérapie (61%).

L’âge moyen était de 59,1 ans versus 57,5 ans, respectivement avant et après mai 2019 et L’indice de masse corporel (IMC) moyen de 27,4 et 26 kg/m2.

Globalement moins de patients ayant des antécédents de thromboembolie veineuse ont reçu un JAKi après mai 2019 (8,1% (n=13) versus 2,8% (n=5), non significatif). Suggérant l’application partielle des recommandations de l’EMA. Les auteurs évoquent que l’absence de significativité pourrait être due au manque de puissance statistique de l’étude du fait du faible nombre de patients inclus après mai 2019.

Cinq patients ont eu un événement thromboembolique veineux durant l’étude. Aucun n’a été fatal. Tous avaient au moins un facteur de risque cardiovasculaire outre la PR. Quatre de ces évènements sont survenus chez des patients qui étaient déjà sous JAKi avant mai 2019. Le taux de persistance des deux traitements était similaire à 2 ans.