Plus d’un patient défavorisé sur dix se heurte à un refus de soins explicite
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Une étude nationale réalisée suivant la méthode du testing téléphonique a montré des refus de soins discriminatoires, explicites et directs, de la part de 9% des chirurgiens-dentistes, 11% des gynécologues et 15% des psychiatres. Ils sont plus marqués en secteur 2 qu’en secteur 1 et plus fréquents en Ile-de-France. Les discriminations selon l’origine ne sont relevées que dans certaines régions.
Pertinence
Le droit reconnaît aux professionnels de santé la possibilité de refuser de dispenser leurs soins. Cependant ce refus ne doit avoir aucun caractère discriminatoire. Les critères de celui-ci sont ceux du Code pénal, en particulier le refus de soigner un patient bénéficiaire de la CMU-C (Couverture maladie universelle complémentaire), de l’ACS (Aide au paiement d’une complémentaire santé) et de l’AME (Aide médicale d’État), ainsi qu’en raison de son origine. Ce refus est non seulement contraire à la déontologie et à l’éthique médicale, c’est aussi un délit au regard du Code pénal et du Code du travail. Des études ont montré qu’il existait pourtant, en particulier chez les médecins généralistes et les spécialistes de secteur 2. Mais elles sont anciennes et parcellaires.
À la demande du Défenseur des droits et du Fonds CMU-C, trois chercheurs du laboratoire ERUDITE (Universités Paris-Est Marne-la-Vallée et Paris-Est Créteil) ont réalisé une étude évaluant les différences de traitement dans l’accès aux soins de patients selon leur vulnérabilité économique et leur origine.
Méthodologie
Ils ont réalisé un testing téléphonique entre février et mai 2019 auprès de 1513 cabinets de gynécologues, chirurgiens-dentistes et psychiatres (500 ou plus par spécialité), médecins accessibles en dehors du parcours de soins coordonné, avec trois types de patientes : une candidate de référence, une dont le patronyme révèle une origine africaine (indiquant une fois sur deux bénéficier de la CMU-C ou de l’ACS) et une donnant un nom à consonance française et déclarant bénéficier de la CMU-C ou de l’ACS. Au total, 4500 demandes de rendez-vous ont été posées, sans caractère d’urgence médicale. Il s’agissait de femmes pour pouvoir inclure la gynécologie et obtenir des échantillons comparables. N’ont été retenues que les discriminations directes : le refus était clairement associé à la déclaration de CMU-C ou d’ACS.
Résultats
Le taux de réussite des prises de rendez-vous était de 70% en moyenne pour la patiente de référence, mais il était systématiquement et significativement inférieur pour la patiente bénéficiaire d’une aide sociale, avec un écart de 9% pour les chirurgiens-dentistes, de 11% pour les gynécologues et de 15% pour les psychiatres. Il y avait deux fois plus de refus de soins discriminatoires pour les bénéficiaires de l’ACS que pour celles de la CMU-C, sans doute par méconnaissance du dispositif ou du fait des difficultés administratives et des délais de remboursement associés.
Les taux de refus étaient plus marqués quand le praticien répondait lui-même à la patiente, et non sa secrétaire, ce qui indique que les refus traduisent directement les choix des médecins.
Ils étaient presque doublés pour les praticiens exerçant en secteur 2 par rapport à ceux exerçant en secteur 1, sauf ceux ayant opté pour un protocole OPTAM (Option de pratique tarifaire maîtrisée). Pour les auteurs, ces éléments indiquent que la « rationalité économique » joue un rôle important dans ces refus.
Les taux de refus varient selon les régions, mais ne semblent pas corrélés aux densités médicales. Ils sont peu associés à l’origine africaine supposée des patientes, sauf en Bretagne et Centre-Val de Loire, qui les pénalisent, alors qu’elles sont favorisées en PACA. Un nom évoquant une origine musulmane réduit de 6,5% les chances d’accéder à une consultation de psychiatre.
Limites
Le nombre de tests reste limité, bien qu’il s’agisse d’une première au niveau national, ainsi que le nombre de critères retenus (la loi en énumère 25…).
La méthode ne donne aucune indication sur la qualité de la prestation fournie par les praticiens une fois le rendez-vous accepté.
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