Pathologies liées au tabagisme chez les femmes : une situation préoccupante

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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À partir des années 70, en France comme dans de très nombreux pays, le tabagisme féminin a considérablement augmenté et s’est rapproché de celui des hommes qui, lui, a diminué : en 2017, 24% des femmes de 18 à 75 ans déclaraient fumer quotidiennement contre 30% des hommes. Cette proportion est relativement stable depuis le début des années 2000, du fait de deux évolutions contrastées : une augmentation du tabagisme est constatée chez les femmes âgées de 45 à 54 ans, passant de 21,5% en 2000 à 30,8% en 2017, alors qu’il diminue chez les femmes de 35 à 44 ans, passant de 35,2% à 28,4%. Selon les auteurs, la tendance à la baisse reste forte chez les femmes de 18 à 35 ans (données non communiquées).

Pour évaluer le retentissement de ce phénomène sur la santé des femmes, une équipe de Santé publique France a étudié les évolutions épidémiologiques de trois pathologies pour lesquelles le tabagisme est un facteur de risque majeur, constituant ainsi un marqueur de morbimortalité : l’infarctus du myocarde (IM), la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) et le cancer du poumon. Pour les deux premières, les données provenaient du PMSI-MCO (hospitalisations pour IM ou exacerbation de BPCO), et pour la troisième, des registres du cancer. Enfin, les données de mortalité ont été extraites de la base nationale des causes médicales de décès.

Entre 2002 et 2012, l’incidence du cancer du poumon a augmenté de 72% chez les femmes alors qu’elle restait stable chez les hommes, l’incidence des hospitalisations pour exacerbation de BPCO a doublé chez les femmes et augmenté de 30% chez les hommes et l’incidence de l’IM avant 65 ans a doublé chez les femmes et augmenté de 16% chez les hommes. La mortalité par cancer du poumon et par BPCO a augmenté de respectivement 71% et 3% chez les femmes et a diminué de respectivement 15% et 21% chez les hommes. En revanche, la mortalité par IM a diminué chez les femmes comme chez les hommes (données non communiquées).

Au total, le nombre estimé de décès féminins attribuables au tabagisme a été multiplié par plus de deux sur cette période, leur taux de croissance annuel étant en moyenne de 6% contre une diminution de 1% chez les hommes. « Dans un avenir proche, le cancer du poumon devrait devenir la première cause de mortalité par cancer chez la femme devant le cancer du sein, » notent les auteurs. D’une manière générale, « le fardeau lié [aux pathologies du tabagisme] devrait continuer de croître à court et moyen termes, même en cas de décroissance de la prévalence du tabagisme. »

Un autre travail s’est penché sur le tabagisme des femmes enceintes en 2016. Parmi elles, 30,0% fumaient avant leur grossesse, 45,8% ont arrêté de fumer avant le troisième trimestre, 37,2% ont divisé leur consommation par deux et 16,2% n’ont pas changé leur consommation de toute leur grossesse.

Faut-il des mesures de prévention spécifiques aux femmes ? Se basant sur les données de la littérature, les auteurs de la première étude ne le pensent pas, à deux nuances près : ils estiment utiles une stratégie d’achat d’espaces média adaptée pour exposer davantage les femmes aux campagnes de prévention, ainsi qu’une différenciation de l’aide au sevrage « tenant compte des différences dans les processus d’addiction au tabac » selon le sexe.