PASS-LAS : des problèmes au démarrage
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
L’année universitaire 2020-21 a été celle de la mise en œuvre de la réforme du premier cycle des études de santé prévue par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. La pandémie de Covid-19 l’a évidemment compliquée. Cependant, les chercheurs réunis pendant le séminaire organisé à Sciences Po Paris le 18 novembre 2021 estiment qu’il est difficile de faire précisément la part des effets de la crise sanitaire et de ceux dus à la réforme elle-même. Il a été notamment rappelé qu’un rapport sénatorial de mai 2021 avait jugé son « architecture très complexe » associée à « un manque d’anticipation et de cadrage ».
Des étudiants souvent mal informés et victimes d’un sentiment d’injustice
Pourtant, la plupart des étudiants parisiens enquêtés par le groupe de travail de Sciences Po Paris consacré au sujet (REF-Santé, dirigé par Agnès Van Zanten) y étaient plutôt favorables en début d’année universitaire, surtout ceux de la filière L.AS (Licence Accès Santé) : ils y voyaient la possibilité d’accéder à des études en MMOP (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie) malgré l’absence d’un BAC « maths-physique » et de ne pas avoir perdu une à trois années en cas d’échec. Cet a priori favorable s’est fortement atténué en cours d’année, notamment quand il leur est devenu de plus en plus évident que le fameux numerus clausus n’avait en définitive pas disparu, malgré sa transformation en numerus apertus. La sélection reste aussi féroce.
Elle l’est d’autant que pour beaucoup, elle est perçue comme injuste, le travail n’étant pas forcément récompensé, notamment du fait de la place donnée à l’épreuve d’oral et de la variabilité de la quantité de travail demandée selon la mineure choisie. Comme l’expliquent les chercheurs, le « pacte républicain tacite de la méritocratie » leur semble brisé. À cela s’ajoutent la difficulté à comprendre la réforme et ses changements au cours de sa mise en œuvre, le manque d’information en amont (au lycée et en faculté) et le sentiment que les jurés de l’oral n’étaient pas préparés à leur nouvelle fonction.
L’enquête a également permis de soulever le rôle très important des parents et celui de l’accompagnement au cours de l’année d’études, organisé notamment par certaines associations étudiantes (A2SUP à Paris), dont une représentante a souligné l’importance considérable des problèmes de santé mentale parmi les étudiants de cette promotion.
Un compromis entre acteurs et objectifs pluriels
La seconde partie du séminaire a été consacrée à la genèse de la réforme. Pour Mathias Brunn, politiste (LIEPP - Sciences Po), elle est d’abord un compromis entre acteurs de la santé et de l’enseignement supérieur, s’attachant à un équilibre d’une part, entre formation professionnalisante et parcours LMD (licence-master-doctorat) et d’autre part, entre logique professionnelle et logique pédagogique fondée sur la méritocratie. Ce compromis est rendu nécessaire car la réforme poursuit plusieurs objectifs à la fois, comme bien souvent en France : améliorer la démographie médicale, favoriser la pluriprofessionnalité, contribuer au virage ambulatoire, diversifier les profils de recrutement sociaux des professionnels de santé et enfin humaniser l’exercice des métiers de la santé, grâce notamment à la plus grande part des sciences humaines et sociales. La réforme réussit à ne pas mécontenter la plupart de ses protagonistes.
Niels Kessel, historien (Université de Strasbourg), a rappelé qu’elle s’inscrit dans le schéma habituel des réformes des études de santé, qui a deux caractéristiques : il procède cycle d’études par cycle d’études au détriment d’une vision d’ensemble de la formation étudiante ; il ménage les identités des spécialités médicales, dont chacune a une vision différente de ce qu’est un « bon médecin » et s’attache à capter le maximum de financements.
C’est pourquoi les sciences humaines et sociales ont une place certes accrue, mais avec un rôle de « supplément d’âme » à un exercice médical fortement impacté par les changements en cours (relations avec les patients, chronicisation des maladies, modifications de l’organisation des soins, progrès technologiques). Céline Lefève, philosophe et co-directrice de l’Institut interdisciplinaire « La Personne en médecine » (Université de Paris), souligne ainsi le manque de temps et de moyens humains dévolus à des disciplines qui devraient accompagner l’étudiant tout au long de sa formation, mais qui entrent en concurrence avec les disciplines historiques. Elles devraient pourtant être destinées non seulement à apporter des outils pragmatiques (par exemple de gestion ou de management), mais aussi à susciter les capacités de réflexion plutôt que la mémorisation.
Ces interrogations ne sont ni nouvelles, ni spécifiques à la France. Mais l’expérience d’autres pays, notamment les États-Unis, montre que des changements plus profonds sont possibles.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé