Partage de compétences : pour une refonte globale du système de soins

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

L’épidémie de COVID-19 a réactivé la question du partage de compétences entre professionnels de santé. À la demande du gouvernement, l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) a dressé un état des lieux du sujet en France.

Son rapport note en préalable que tout partage de compétence étant dérogatoire au monopole d’exercice des médecins, la reconnaissance des professionnels impliqués est rendue compliquée d’emblée. Les protocoles de coopération y remédient en partie, mais sans leur donner de réelle autonomie décisionnelle. Ils ont cependant permis de « régulariser des glissements de tâches déjà existants, et d'expérimenter de nouvelles formes de coopération et d’organisation. » Ils sont de deux types : nationaux, initiés par l’administration de la santé, et locaux, à l’initiative des professionnels. La prolifération des seconds contraste avec le faible succès des premiers, posant un problème de pilotage, d’autant qu’il y a un manque de suivi des indicateurs permettant l’évaluation des uns et des autres. Autre problème : les protocoles locaux sont essentiellement adossés aux expérimentations prévues par l’article 51 de la LFSS pour 2018, qui n’en garantit pas la pérennité.

Cela étant, le rapport s’étend essentiellement sur le nouveau dispositif des infirmières de pratique avancée (IPA). De nombreux médecins s’y sont opposés, avec des arguments que le rapport juge peu convaincants au regard des expériences tant nationales qu’internationales (craintes d’une dégradation de la qualité des soins, problèmes de responsabilité juridique, respect du périmètre d’intervention, perte d’activité mettant en danger la viabilité économique des cabinets médicaux). Et ce d’autant plus que « les témoignages collectés par la mission sur l'impact très positif de l'installation des premières IPA en matière de qualité de suivi et de soins des patients comme d'amélioration des conditions d'exercice des médecins impliqués, conduisent très clairement la mission à encourager la poursuite de cette modalité d’exercice. »

Améliorer la lisibilité du dispositif des infirmières de pratique avancée

Le dispositif manque cependant de lisibilité, posant « la nécessité d’une doctrine et d’une gouvernance spécifiques. » Elle implique la refonte de la structuration des professions de santé dans le Code de santé publique, adossée à une réflexion sur le partage des interventions.

La mission propose deux types d’IPA : des IPA spécialisées, à l’image des infirmières anesthésistes, et des IPA praticiennes. Elle suggère d’envisager que ces dernières puissent intervenir en première ligne sur « des pathologies courantes identifiées comme bénignes en soins primaires et en population générale. » Cela serait conditionné à une obligation mutuelle d’information entre médecins et infirmières et à « la réaffirmation du rôle central de coordination du médecin traitant dans le parcours de soins et la définition de la stratégie thérapeutique. »

En définitive, il s’agit de « repenser le système global d’organisation des soins ». Cela pourrait se faire selon deux modalités :

  • Une refonte confiée à une instance « composée des représentants des différents CNP (Conseils Nationaux Professionnels) et du collège de médecine générale, des structures d’exercice coordonné, des conseils nationaux des ordres professionnels, des étudiants et internes médicaux et paramédicaux, et de représentants des patients. »

  • L’organisation d’une convention citoyenne, à même de saisir « l’ampleur potentielle d’évolutions qui questionnent l’ensemble du système de soins. »  

L’enjeu est de sortir du « face-à-face entre professionnels comme de l'affrontement par parlementaires interposés », face-à-face favorisé par « les modalités actuelles du dialogue social et de négociation conventionnelle qui favorisent la défense des intérêts particuliers de chaque profession au détriment d'une approche globale des ressources humaines de santé et d'une approche de démocratie sanitaire qui impliquerait davantage des représentants des patients ou des citoyens. »