Pénurie médicale : le cumul emploi-retraite a la cote

  • Jean-Bernard Gervais
  • Actualités professionnelles
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Le 31 août 2021, le professeur controversé Didier Raoult prenait sa retraite, mais comme plusieurs milliers de médecins, demandait à poursuivre son activité en cumul emploi-retraite (CER). Cet aménagement professionnel, à la discrétion de l'employeur, en l'occurrence l'AP-HM, lui a été refusé. Ce cas médiatique a permis de mettre en lumière un phénomène récent qui prend de l'ampleur, et dont les mécanismes restent en partie méconnus des médecins, à savoir le CER. Cette disposition, soumise à l’approbation de l’employeur, a été encouragée ces dernières années, comme pour pallier la pénurie médicale en cours. Néanmoins, le CER obéit à certaines règles et selon le statut du médecin (libéral, fonctionnaire ou hospitalier), lesdites règles diffèrent. 

Praticiens hospitaliers

Pour les praticiens hospitaliers, les conditions de l'obtention du CER ont été définis dans une circulaire datant de 2014 [1], et détaillés dans une instruction de la DGOS de 2016 [2]. Il existe, pour eux, deux types de CER : le CER libéralisé et le CER plafonné. Pour bénéficier du CER libéralisé, lequel permet de cumuler retraite et activité professionnelle sans plafonnement, il faut avoir l’âge d’ouverture des droits à la retraite mais surtout « remplir les conditions ouvrant droit à une pension de retraite à taux plein », soit avoir cotisé entre 166 et 172 trimestres ou avoir atteint l'âge de 67 ans. 

De plus, il faut avoir rompu tout lien professionnel avec son ancien employeur, avoir liquidé les pensions de base et complémentaires et avoir été reconnu apte physiquement et mentalement par un médecin agréé. Si le médecin réunit toutes ces conditions, alors il peut être recruté, dès le premier jour de sa retraite, dans l'établissement où il exerçait. 

CER plafonné

Si le médecin ne réunit pas toutes ses conditions, il peut néanmoins bénéficier d'un CER plafonné, à condition d'avoir au moins 55 ans, et d'avoir liquidé sa pension du régime général. Le plafond de ce CER atteint 160% du SMIC ou le montant du dernier salaire perçu. Par ailleurs, si le médecin choisit de poursuivre son activité dans l'établissement où il exerçait, il doit respecter un délai de carence de six mois. Le CER, libéral ou plafonné, est soumis à une limite d'âge fixé à 72 ans. Les médecins en CER sont soumis aux cotisations sociales, mais elles n'ouvrent pas de nouveaux droits à la retraite. 

Médecins libéraux

Pour les médecins libéraux, les règles sont sensiblement les mêmes [3]. Pour un CER intégral, sans plafonnement, le médecin libéral doit avoir le nombre de trimestres nécessaires pour une retraite à taux plein, ou avoir « l'âge de la retraite à taux plein », soit 67 ans. 

Par ailleurs, il doit avoir liquidé l'ensemble de ses retraites auprès des régimes de base et complémentaire. Si le médecin libéral ne remplit pas ses conditions, alors son CER ne doit pas dépasser le plafond annuel de la sécurité social (PASS), soit 43.992 euros. En revanche, contrairement aux médecins hospitaliers et salariés, aucune limite d'âge n'est fixée à l'exercice du CER libéral. Néanmoins, à l'instar des hospitaliers, les libéraux doivent continuer à cotiser aux régimes de base et complémentaire, sans pour autant bénéficier de nouveaux points de retraite. 

Augmentation de +246%

Force est de constater que le CER séduit de plus en plus de médecins retraités. Selon le conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) [4], le nombre de médecins retraités ayant conservé une activité est passé de 2,1% des effectifs en 2010 à 6,1% en 2022. En 2010, le nombre de médecins en CER était de 5.612 et de 19.456 en 2022. Mais pour la tutelle, ce n'est pas assez. Ainsi, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 [5], le gouvernement a prévu un assouplissement du cumul emploi-retraite, à l’intention des médecins libéraux. « Nous attendons la publication des décrets d'applications », nous a informé la caisse autonome de retraite des médecins français (Carmf). « Mais d'après nos informations, l'exonération de cotisations sociales pour les médecins en CER ne devraient concernés que ceux dont les revenus seraient en deçà de 80.000 euros et uniquement pour l'année 2023. Ils pourraient aussi choisir, plutôt qu'une exonération, une cotisation attributive de droits : leur cotisation leur permettrait d'accumuler de nouveau des points retraite. »