Nouveaux vaccins Moderna et Pfizer pour l'automne : que peut-on vraiment en attendre face aux nouveaux variants ?

  • Nick Tate

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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De nouveaux vaccins de rappel contre le Covid-19, ciblant les variants émergents d'Omicron, sont attendus aux Etats-Unis en septembre, avec un mois d'avance sur le calendrier prévu, a annoncé l'administration Biden cette semaine. Des recommandations officielles sont attendues de la part des CDC et de la FDA définissant les populations éligibles pour ces nouveaux rappels. Pour l'instant, les autorités ont décidé de ne pas étendre l'éligibilité pour le deuxième rappel avec les vaccins existants, à savoir que leur administration est recommandée seulement pour les adultes de plus de 50 ans et tout ceux de 12 ans et plus présentant une immunodéficience. Les enfants âgés de 5 à 11 ans reçoivent un seul rappel, cinq mois après la vaccination initiale.

En attendant les recommandations officielles des CDC et de la FDA, nous nous sommes entretenus avec la Dr Keri Althoff, épidémiologiste à la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health (Baltimore, Etats-Unis), la plus grande université de santé publique aux Etats-Unis.

D'après ce que nous savons aujourd'hui, qui devrait recevoir un de ces rappels [ciblant les variants d’Omicron] ?

Dr Keri Althoff : Un processus pour établir des recommandations spécifiques est en cours, mais il semble déjà que les recommandations seront sensiblement les mêmes pour ce rappel que pour le rappel actuel. Le moment où il faudra se faire administrer ce nouveau rappel dépendra du dernier rappel. Aujourd'hui, il existe une recommandation pour les adultes de plus de 50 ans et pour les adultes à risque de forme sévère du Covid. Pour eux, il y aura probablement un calendrier pour préciser quand recevoir ce nouveau vaccin selon qu'ils sont X mois ou plus du deuxième rappel, ou X mois ou plus du premier ou bien encore s'ils n'en ont pas encore eu.

Qu'en est-il des femmes enceintes et des patients atteints d'une maladie chronique ? 

Dr Althoff : Je ne pense pas que les autorités auront une telle exigence et qu'elles restreindront l'accès à ce booster aux seuls individus ayant déjà reçu leur rappel. Mais ce sera au comité de vaccination des CDC d'en décider.

Y a-t-il des risques associés à ces rappels, étant donné leur développement si rapide ?

Dr Althoff : Non. Nous continuons à surveiller cette technologie. Avec tous les vaccins à ARNm délivrés jusqu'à présent et grâce à la surveillance, nous sommes capables de détecter, par exemple, les différentes formes d'inflammation du tissu cardiaque et de définir quels individus seront impactés. Donc, ces systèmes de surveillance fonctionnent, et ils marchent vraiment, vraiment bien. De plus, nous savons que ces vaccins sont complètement sûrs.

Certains experts de santé s'inquiètent que la « fatigue vaccinale » puisse avoir un impact sur la campagne de rappel. Quel est votre point de vue ? 

Dr Althoff : Nous avons en effet constaté cette lassitude chez certains individus ayant eu un premier, voire un second, rappel. Mais avoir reçu les premiers boosters et recevoir ce nouveau rappel est important, parce qu'il s'agit d'amorcer le système immunitaire. Nous essayons d'accélérer les processus immunitaires de sorte que lorsque l'organisme rencontrera le virus – et nous savons que cela se produira parce que les souches d'Omicron sont hautement infectieuses – nous aurons le plus haut taux d'immunité dans la population.

Quels sont les autres défis pour convaincre les Américains de l'intérêt de cette campagne de rappels ?  

Dr Althoff : Une autre chose qui me met en colère, ce sont les gens qui disent « j'ai été totalement vacciné, j'ai ou je n'ai pas eu de rappel, et j'ai eu le Covid quand même. Ce n’était vraiment rien, je n'ai pas ressenti grand-chose, alors je n'irai pas me faire faire un nouveau rappel ». La situation n'est pas suffisamment calme pour que les recommandations puissent être revues à la baisse. Il y a toujours des gens vulnérables susceptibles de développer des formes sévères et d'en mourir, et nous assistons à des centaines de décès tous les jours [ndlr : il y a actuellement environ 130.000 nouveaux cas quotidiens de Covid aux Etats-Unis et 440 décès chaque jour]. Il ne faut pas oublier que la qualité des vaccins actuelle est telle qu'elle permet d'éviter l'hospitalisation. Il ne faut pas faire l'erreur de dire « Je n'ai pas besoin d'une nouvelle dose ».

Contrairement au vaccin anti-grippal, reformulé chaque année, les nouveaux vaccins anti-Covid offrent une protection contre les nouvelles souches mais aussi les anciennes. Pourquoi ? 

Dr Althoff : Il s'agit de créer la réponse immunitaire la plus large possible. Ainsi si davantage de souches émergent, ce qui va probablement se produire, on aura une plus large réponse immunitaire dans la population contre toutes les souches. Notre organisme perçoit les différences entre ces différentes souches grâce à la vaccination.

Il n'y a pas eu d'essais cliniques avec ces nouveaux boosters (rappels) à ARNm. Comment peut-on être sûrs de leur efficacité contre les variants émergents d'Omicron ? 

Dr Althoff : Il y a quelques études – de très bonnes études – qui se sont intéressées à différents aspects comme les anticorps neutralisants, déjà utilisés comme critère de substitution dans les essais cliniques. Mais ce n'est pas la même chose que d'étudier ce qui nous intéresse vraiment, à savoir les hospitalisations. Donc le défi est en partie de pouvoir expliquer « Voici ce que nous savons de la sécurité et de l'efficacité des vaccins précédents et comment nous pouvons extrapoler ces données aux nouveaux boosters à un stade précoce, avant que les données cliniques soient disponibles ».

Combien de temps la protection des nouveaux vaccins de rappel dure-t-elle ? Le savons-nous ?

Dr Althoff : Cette durée demeure une question d'autant plus importante que différentes couches de Covid circulent.  Nous avons préparé des boosters spécifiques à Omicron mais si quelque chose de totalement nouveau émerge, nous devrons être agiles car les variants devancent ce que nous sommes capables de faire. C'est un jeu de probabilité : plus il y a d'infections, plus le virus se réplique ; et plus il y a de réplication, plus il y a d'opportunités de mutations et donc d'apparition de nouveaux variants.

Qu'en est-il d'un vaccin combiné anti-grippal et anti-Covid ?

Dr Althoff : Mes enfants, qui comme la plupart des enfants n'aime pas les vaccins, me demandent toujours : « Maman, pourquoi ne pourraient-il pas mettre le vaccin contre la grippe et celui contre le Covid dans la même seringue ? ». Et moi, de répondre : « j'aimerais que vos mots arrivent aux oreilles des scientifiques ». En ces temps où la technologie fondée sur l'ARNm révolutionne la conception des vaccins de façon si bénéfique, je pense que nous devrions être capables de repousser les limites.

Si on a reçu seulement un vaccin non-ARNm, comme ceux produits par Johnson & Johnson et Novavax, devons-nous aussi recevoir un rappel ARNm ? 

Dr Althoff : Aujourd'hui, les recommandations des CDC indiquent que si votre vaccination initiale n'était pas avec un vaccin à ARNm, recevoir un rappel d'un vaccin à ARNm est une bonne chose à faire, et c'est encouragé. Cela ne changera pas avec ce nouveau booster.

Est-il possible de recevoir une injection contre la grippe et un rappel du Covid en même temps, une procédure que recommandaient les CDC avec les vaccins précédents ? 

Dr Althoff : Je n'imagine pas qu'il y ait des recommandations s'y opposant. Mais il faudra surveiller les recommandations qui sortiront à ce sujet cet automne concernant ces nouveaux boosters. J'espère qu'elles incluront la vaccination anti-grippale. On peut aussi imaginer recevoir le rappel Covid d'abord, puis en octobre le vaccin contre la grippe.

Si on est à jour de ses rappels, est-ce qu'on peut arrêter de porter un masque, de s'asteindre à la distanciation sociale, d'éviter les espaces clos avec du monde ou toutes les précautions pour éviter le Covid ?

Le virus est toujours là, infectant et rendant malades qui il peut. Si vous commencez à savoir qu'il y a des malades dans l'école de vos enfants, sur votre lieu de travail et où vous sortez, ce sont des signaux qu'il y a une augmentation de la circulation du virus. Alors si un ou une de vos collègues est immunodéprimé ou enceinte, il faut recommencer à porter un masque. De même, je pense qu'il est important de porter le masque une semaine avant de rendre visite à votre grand-mère pour éviter de lui apporter le virus. Le risque aujourd'hui est élevé. Le virus est là.

 

Des dizaines de millions de doses

Moderna a signé un contrat de 1,74 milliards de dollars (1,7 milliards d'euros) pour fournir 66 millions de doses de son vaccin bivalent, qui inclus le vaccin original mRNA-1273 (Spikevax) et un vaccin spécifiquement conçu pour cibler les sous-variants plus récents Omicron BA.4 et BA.5. Le gouvernement américain a également commandé quatre millions de doses supplémentaires à destination des enfants, ce qui élève le contrat total à 1,8 milliards de dollars (1,77 milliards d'euros). Pfizer, lui, a annoncé un accord à 3,2 milliards de dollars (3,14 milliards d'euros) pour 105 millions de doses. Les deux laboratoires ont signé des options en vue de fournir des millions de doses de rappel supplémentaires dans les mois à venir. MC

Cet article a été écrit par Nick Tate, initialement publié sur Medscape.com, traduit et complété par Marine Cygler pour Medscape France.