Non-recours aux droits sociaux : un dossier complexe

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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La DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) publie un dossier récapitulant l’ensemble de ses travaux sur le non-recours aux prestations sociales, dont les soins. Le document souligne d’emblée « la complexité technique pour appréhender le phénomène ». Elle n’est pas propre à la France. Cependant, depuis les années 70, notre pays a fait évoluer son système de protection sociale vers une logique de ciblage des prestations vers les populations les plus démunies, au prix d’une complexité accrue des dispositifs et de leur application et d’un risque non négligeable de stigmatisation de certaines populations visées.

Alors que le non-recours n’a fait réellement partie de l’agenda politique qu’à partir de 2012, il fait aujourd’hui partie des priorités de l’action publique, pour plusieurs raisons. Économiques : d’une part, en agissant tardivement, on augmente le coût social final, ce qui est bien connu en santé avec les conséquences des reports de soins ; d’autre part, les prestations servent de stabilisateur automatique en contribuant à préserver le pouvoir d’achat, donc la consommation. Il y a également des enjeux de coûts administratifs (lourdeur des dossiers traités), de justice sociale et de confiance dans le système de solidarité et plus largement dans nos institutions. Ce dernier point est particulièrement important dans un pays où la défiance est répandue. Ainsi, une enquête de la DREES menée en 2018 montrait que « 69 % des Français pensent que beaucoup de personnes ne bénéficient pas des droits ou allocations auxquelles elles peuvent prétendre », mais aussi que « 66 % des Français pensent que beaucoup de personnes perçoivent des allocations alors qu’elles n’y ont pas droit. »

D’une manière générale, le non-recours aux prestations sociales s’explique d’abord par le manque d’information, la complexité d’accès aux droits ou les barrières sociales (par exemple, la crainte d’être stigmatisé).

Plus spécifiquement, le non-recours aux soins est principalement d’ordre financier dans les enquêtes interrogeant les personnes y ayant droit, avec comme paramètres le coût des soins, leur remboursement par l’assurance maladie obligatoire, la possession d’une assurance maladie complémentaire et son niveau de couverture, la possibilité d’avancer les frais, le niveau de revenus (les individus aux revenus modestes renoncent plus volontiers), l’éloignement géographique des médecins (qui est un facteur assez complexe) et leurs délais d’attente. Certains facteurs sont plus difficiles à appréhender, mais jouent un rôle certain, comme la distance culturelle avec les médecins, les connaissances médicales et la vigilance en matière de santé.

À titre d’exemple, pour 2018, le taux de recours à la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) était estimé entre 56 et 68% et celui à l’ACS (aide à l’acquisition d’une complémentaire santé) entre 33 et 47%. Rappelons que ces deux prestations ont été remplacées en novembre 2019 par la CSS (complémentaire santé solidaire). Seules 51% des personnes ayant droit à l’AME (aide médicale d’État) en bénéficiaient en 2019. Parmi les bénéficiaires potentiels, un tiers n’en avait jamais entendu parler.

Les solutions pour améliorer le recours aux droits sociaux sont nombreuses. Le texte insiste sur leur complémentarité, qu’elles portent sur l’organisation administrative, la conception même de la prestation, l’action sur les freins individuels (par exemple la méconnaissance des dispositifs) ou sociaux (par exemple, difficulté d’accès ou d’utilisation de l’internet). L’une d’elle est prometteuse : les « rendez-vous des droits », guichet unique mis en place par la Caisse nationale des allocations familiales, proposant un entretien personnalisé pour faire le point sur l’ensemble des droits sociaux potentiels pour les bénéficiaires. Seul souci : ils ne fonctionnent pas très bien en ce qui concerne les droits afférents à la santé …