Mon espace santé, un vrai progrès ?
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
C’est une vieille histoire. En 2004, le ministre de la santé d’alors lançait en grande pompe le DMP, ou dossier médical personnel, placé sous la responsabilité du patient. Las ! Celui-ci peinait à être au rendez-vous. Aussi en 2008, l’accent était mis sur le partage de données entre professionnels de santé, sans plus de succès. En 2017, le DMP devenait dossier médical partagé, sans pour autant que les généralistes ne s’en emparent (un sur huit en avait consulté un). Aussi, en mai 2022, le DMP a été intégré à un projet plus ambitieux : Mon espace santé, qui comprend une messagerie sécurisée pour les échanges entre patients et professionnels, ainsi que des applications santé et bien-être, privées mais référencées par les autorités de santé. Quelques mois plus tard (en novembre 2022), l’Assurance maladie se félicitait du succès de l’initiative : 65,4 millions de personnes avaient un espace santé, 7,2 millions d’entre elles avaient activé le service et moins de 2% des usagers s’étaient opposés à la création automatique de leur espace1.
Fin 2022, l’association de consommateurs Que Choisir est nettement moins enthousiaste2. Elle fait d’abord remarquer que la méthode consistant à ouvrir un compte à quelqu’un en lui demandant de le valider après coup est interdite par la loi en démarchage marketing : il n’est pas question de mettre les gens devant un fait accompli. De fait, plus de 60 millions d’espaces ont été ouverts avec un taux de fermeture très faible, de l’ordre de 0,5%. Mais seuls 5% des usagers ont activé leur compte. Les soignants ne manifestent pas non plus beaucoup d’intérêt. L’association cite le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat MG France, pour qui la plupart des espaces sont vides. Une des raisons de cet état de fait est que les logiciels métier ne sont pas compatibles avec Mon espace santé. Leur mise à jour devait être opérationnelle fin 2022, mais elle a été reportée à avril 2023.
L’espace lui-même pose des problèmes de sécurité et de confidentialité. Ainsi le partage d’informations entre professionnels n’est pas cloisonné. Le Dr Nogrette donne un exemple : « Un chirurgien qui veut avoir accès à vos antécédents de phlébite doit-il savoir que vous avez subi des violences dans votre enfance ? » De plus, selon l’association, la protection de publics spécifiques, comme les mineurs et les personnes sous protection juridique, reste un problème non résolu.
Que Choisir se réfère également à l’association Quadrature du Net, qui signale plusieurs manquements :
- Absence de vérification du consentement du patient pour le partage de ses données, avec des configurations par défaut peu protectrices et un cloisonnement insuffisant des informations vis-à-vis du personnel soignant.
- Impossibilité pour l’utilisateur de supprimer des documents versés par des soignants (il peut tout au plus les masquer).
- Partage imposé des données avec le médecin traitant. Et enfin fragilité à l’égard des pirates « en tout genre ».
Un dernier écueil tient aux inégalités d’accès au numérique. Pour tenter d’y remédier, l’assurance maladie a mis en place des « ambassadeurs », chargés d’aller à la rencontre des personnes éloignées du numérique. Mais d’après Que Choisir, cet effort reste « timide ».
En définitive, l’association remarque qu’a priori personne ne peut être contre « un partage des données de santé, transparent et sécurisé, pour une meilleure prise en charge médicale. » Mais elle ne donne pas de réponse à la difficulté récurrente de le mettre en place.
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