Mieux exploiter la place des corticoïdes dans la polyarthrite rhumatoïde

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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Les glucocorticoïdes (GC) sont utilisés depuis des décennies dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Si la perception des risques qui leur sont liés demeure, un certain nombre d’études cliniques ou observationnelles ont décrit des modalités d’utilisation globalement favorables à un bon contrôle de la maladie, avec un profil de tolérance maîtrisé. Une revue parue dans Revue du Rhumatisme propose de faire le point sur le sujet.

Effets anti-inflammatoires des glucocorticoïdes

Les GC ont l’avantage d’avoir un délai d’activité rapide, ce qui leur permet d’être préconisé dans le traitement des poussées ou en relais dans la prise en charge de la PR débutante. Ce délai d’action repose sur des effets à la fois non génomiques, sur des composants de la membrane cellulaire et des récepteurs membranaires et cytosoliques aux GC. Ils s’ajoutent aux effets génomiques, probablement légèrement moins immédiats, conduisant les GC à moduler l’expression de gènes codant pour des protéines anti- et pro-inflammatoires.

La question de la dose des GC dans la PR

Historiquement utilisés au long cours, les GC ont logiquement posé des questions de tolérance. Cependant, des essais plus récents ont montré qu’un bénéfice clinique pouvait être obtenu avec des doses faibles de GC tout en limitant les problèmes de toxicité : ainsi, l’essai pragmatique GLORIA, qui a traité des patients de plus de 65 ans avec une PR active, a montré que l’ajout de prednisone 5 mg/j au traitement en cours permettait d’avoir une activité et une progression des lésions diminuées avec, en contrepartie, une augmentation des évènements indésirables non graves, suggérant un équilibre entre avantages et inconvénients à évaluer pour chaque patient. Chez les sujets sous traitement de fond (DMARD) biologique dans une PR faiblement active, l’essai SEMIRA, conduit chez des sujets contrôlés par tocilizumab et GC 5 mg/j, a montré que maintenir ces derniers pendant 24 semaines permettait de mieux contrôler la maladie que la réduction progressive de leur posologie, même si les deux tiers de la cohorte ont pu réduire la posologie sans poussées.

Exploiter la fenêtre d’opportunité thérapeutique

Au début de la maladie, il existe une fenêtre d’opportunité au cours de laquelle la progression de la maladie peut être plus efficacement contrôlée qu’en cas de retard de prise en charge. Une atteinte rapide du contrôle de la maladie permet d’améliorer les chances de rémission durable, y compris sans traitement (études IMPROVED, CareRA). Ce bénéfice se surajoute à l’amélioration de la fatigue, de la qualité de vie ou du bien-être psychosocial selon les données de différents travaux. « Une “fenêtre d’opportunité psychosociale” pendant laquelle l’obtention d’un contrôle précoce de la maladie ouvrirait des perspectives à long terme plus positives pour les patients », résument les auteurs.

Gérer les effets indésirables

Les GC à faible dose (≤5 mg) n’auraient pas d’effets délétères sur la densité minérale osseuse, et la corticothérapie de courte durée n’a qu’un impact limité sur le métabolisme osseux, conduisant à suggérer des effets négatifs limités, à contrebalancer avec leur bénéfice sur le contrôle de la maladie. Les risques cardiovasculaires et métaboliques seraient également associés aux durées les plus longues et aux posologies les plus fortes. Le risque d’infection est supérieur chez les sujets sous GC, et existe même à faible ampleur pour les doses ≤5 mg. Enfin, les effets indésirables qui gênent les patients (atrophie cutanée, fatigue…) existent également.

L’étude GLORIA, qui est l’étude dont la puissance statistique est la plus importante à ce jour pour identifier l’exhaustivité des effets indésirables liés au traitement par GC, permet de conclure que la corticothérapie à faible dose dans la PR expose à un surrisque modeste d’effets indésirables (60% vs 49% sous placebo), principalement à type d’infections légères à modérées.

Préconisations pratiques

Les recommandations de l’EULAR préconisent le traitement de la PR débutante par DMARD synthétique et GC selon un schéma de diminution posologique, aussi rapide que possible et avec un arrêt chaque fois que c’est possible. Cette assertion repose sur les données de nombreux essais randomisés ayant comparé plusieurs stratégies de réduction des GC dans les PR débutantes ( BeST, tREACH, IMPROVED, CareRA…).

Les données observationnelles françaises montrent en pratique que jusqu'à 55% des patients PR sont toujours traités par GC deux ans après leur initiation. La littérature montre que l’arrêt de la corticothérapie est plus facile à réaliser lorsqu’elle est définie via un protocole thérapeutique pré-établi. Dans tous les cas, une posologie initiale quotidienne ≤30 mg est le plus souvent suffisant. La diminution rapide doit être encouragée, à raison par exemple de 1 mg/j toutes les 4 semaines, comme l’a montré l’étude SEMIRA. Cette stratégie peut échouer chez certains patients, comme ceux ayant des comorbidités. Dans ce cas, les approches de chronothérapie doivent être envisagées (prise le soir ou deux demi-prises par jour). L’arrêt doit être envisagé dès que possible.