Mieux anticiper la néphrotoxicité
- Caroline Guignot
- Résumé d’article
La néphrotoxicité est un problème clinique récurrent. Afin de le repérer et d’en limiter les conséquences fonctionnelles, il est indispensable d’en connaître les facteurs de risque, de la diagnostiquer précocement et, selon les cas, d’arrêter ou d’ajuster la posologie du médicament incriminé. L’évaluation de la fonction rénale initiale, permettant notamment d’ajuster les posologies, est aussi indispensable.
Phénotypes de néphrotoxicité
Concernant spécifiquement la néphrotoxicité, le consortium international pour les évènements indésirables graves (iSAEC) propose quatre phénotypes : l’insuffisance rénale aiguë, l’atteinte glomérulaire, l’atteinte tubulaire et la néphrolithiase. Ces évènements sont classés en deux groupes, type A et type B, selon que la toxicité est prévisible (dose-dépendante, liée à la pharmacodynamique et pharmacocinétique de la molécule) ou non, et ils sont considérés comme aigus, subaigus ou chroniques selon leur ancienneté (1-7 jours, 8-90 jours, >90 jours). Une seconde classification, fondée sur la nature de l’atteinte histologique, peut être obtenue après analyse.
Facteurs de risque liés aux patients
La plupart du temps, la néphrotoxicité se manifeste chez des patients à risque, qu’il convient de savoir identifier. Elle dépend notamment de caractéristiques favorisant l’augmentation de la concentration sanguine du médicament dans le sang : sujets âgés, femmes, maladie rénale sous-jacente, hypovolémie effective (vomissements, diarrhées, prise de diurétiques), hypovolémie relative (insuffisance hépatique, insuffisance cardiaque congestive…), hypoalbuminémie… Certaines comorbidités accroissent spécifiquement la néphrotoxicité de certains médicaments, comme le diabète (IEC, AINS, aminoglycosides) ou la maladie rénale vasculaire (IEC, ARA2).
Facteurs de risque liés aux médicaments
- La pharmacologie de la molécule est déterminante dans le risque de néphrotoxicité, et peut être aggravée par un micro-environnement rénal altéré. La posologie joue notamment un rôle pour les médicaments agissant directement au niveau tubulaire ou sur l’hémodynamique intrarénale ainsi que pour les molécules lithogènes : antiviraux (aciclovir, éfavirenz...), antibiotiques (amoxicilline, ciprofloxacine, vancomycine…), calcium-vitamine D, naftidrofuryl, amiodarone… Certaines combinaisons thérapeutiques peuvent aussi avoir un effet synergique.
- La voie d’administration, par la concentration maximale atteinte, et la durée du traitement interviennent également.
- Enfin, étant donné la fréquence de l’élimination rénale des médicaments, tout dysfonctionnement ou altération de leur mécanisme d‘élimination, causé par une thérapeutique ou lié à un polymorphisme génétique peut en augmenter la néphrotoxicité : c’est respectivement le cas pour les aminosides et pour le cisplatine.
Éléments pour un diagnostic précoce
- En pratique clinique, la néphrotoxicité d’un traitement peut être suspectée, comme tout autre effet indésirable médicamenteux, en utilisant l’algorithme de Naranjo, fondé sur 10 questions relatives à la façon dont les signes sont apparus ou se manifestent.
- La modification des biomarqueurs traditionnels de l’atteinte rénale n’est pas suffisamment précoce pour que ceux-ci soient utilisés pour un diagnostic précoce de néphrotoxicité. D’autres biomarqueurs, plus innovants, sont aujourd’hui développés comme la bêta-2-microglobuline, la clustérine, le NGAL… À plus long terme, les microARNs, qui sont des ARN non codants assurant une régulation post-transcriptionnelle des gènes, ou la mise au point d’organes sur puce (Kidney on a chip) pourront améliorer le travail de prédiction et de repérage précoce.
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