MICI et malnutrition ; mécanismes et implications cliniques
- Caroline Guignot
- Résumé d’article
Les patients atteints de MICI présentent souvent des troubles de l'état nutritionnel. La malnutrition peut survenir même lorsque la maladie est débutante ou en rémission. Plusieurs facteurs contribuent à la pathogenèse de la malnutrition : diminution de l'apport alimentaire, malabsorption intestinale, hypercatabolisme et dysbiose. Plusieurs études suggèrent aussi que la malnutrition, la sarcopénie et l’obésité sont associées à une réponse moins satisfaisante au traitement médical, conventionnel ou biologique. Une revue parue dans The Lancet Gastroenterology précise les implications cliniques et thérapeutiques liées à ces situations.
Le visage de la malnutrition dans les MICI
La malnutrition liée à la MICI résulte d'une inflammation chronique, notamment médiée par certaines cytokines (TNF, IL-6, IL-1), qui favorisent le recrutement des cellules immunitaires, et active un cercle vicieux conduisant à son tour à une perte d'appétit, une perte de poids supplémentaire et une fonte musculaire. La sarcopénie peut compliquer ce tableau chez le sujet vieillissant. Par ailleurs, une carence en micronutriments, comme la vitamine D et le zinc, peut aussi survenir isolément, ou découler de la malnutrition. Enfin, les patients atteints de maladie de Crohn auraient une inflammation et une évolution clinique plus sévère en situation d’obésité, y compris ceux atteints d'obésité sarcopénique.
Aussi, les recommandations européennes de l'ESPEN préconisent un dépistage systématique de la malnutrition chez les sujets atteints de MICI dès le diagnostic, et durant les visites de suivi. Celles de l'ECCO et invitent à doser la vitamine D chez tous les patients atteints de la MICI, et la supplémenter en cas de besoin.
Masse musculaire et inflammation intestinale
Les cytokines influencent la communication intestin-cerveau et agissent comme médiateurs anorexigènes. Elles activent également NF-κB et réduisent la sécrétion de médiateurs anabolisants, comme IGF-1 qui influence normalement la myostatine : en résulte un catabolisme protéique et une diminution de la synthèse des protéines musculaires. De plus, la protéine C-réactive, qui caractérise l'inflammation systémique, est élevée dans la malnutrition et la sarcopénie, indépendamment de la MICI, et un taux élevé est associé à une faiblesse musculaire. Aussi, la combinaison de la malnutrition et de l'inflammation contribue à la perte de masse musculaire.
Parallèlement, la malnutrition et l'inflammation peuvent toutes deux favoriser le dysfonctionnement mitochondrial qui contribuent à l’état catabolique et une diminution de la capacité globale de production d'énergie : baisse du butyrate, accumulation d'intermédiaires d'acides gras, augmentation des espèces réactives de l'oxygène qui conduisent à un stress oxydatif. Certaines carences en nutriments ou vitamines renforceraient ce stress oxydatif.
Au niveau intestinal, les processus de réparation sont altérés favorisant à leur tour la diminution des capacités fonctionnelles, du métabolisme, se traduisant dans la clinique de la maladie. Enfin, le dysfonctionnement du tissu favorise l’apparition de la dysbiose qui elle-même entretient ce dysfonctionnement.
Conséquences cliniques et prise en charge
L’évaluation nutritionnelle des patients atteints de MICI devrait être systématique, et des régimes personnalisés ainsi qu’un soutien nutritionnel doivent leur être proposés. Les phases de rémission doivent cibler préférentiellement la prévention de la malnutrition. Durant les poussées, l’objectif est de traiter la malnutrition et d’optimiser le traitement.
Deux outils peuvent être préférentiellement utilisés pour dépister la malnutrition : le score NRS (Nutritional Risk Screening-2002), qui présente la limite d’avoir été développé pour la population générale, ou le score PG-SGA (Patient-Generated Subjective Global Assessment), plus spécifique.
Si le patient a un diagnostic ou un fort risque de malnutrition, l’évaluation nutritionnelle doit être approfondie. Les méthodes basées sur le poids sont inadaptées pour évaluer précisément la composition corporelle des personnes atteintes de MICI. Il est recommandé de leurs préférer d’autres approches (absorptiométrie biphotonique à rayons X, impédancemétrie, épaisseur du pli cutané). Les dosages biologiques (CRP, albumine, ferritine, zinc, vitamines, électrolytes...) peuvent ne pas être fiables du fait de la maladie intestinale.
Les recommandations internationales préconisent une alimentation équilibrée, avec le même apport énergétique que la population générale. Le régime alimentaire doit être riche en fibres et en fruits, et doit limiter le recours aux aliments transformés et raffinés délétères pour la fonction intestinale. L’apport protéique doit être suffisant pour prévenir la malnutrition et l'obésité sarcopénique. Si la nutrition orale ne permet pas de corriger la malnutrition, la nutrition entérale peut être envisagée dans le but d’atteindre la cicatrisation de la muqueuse et réguler la composition de la flore intestinale ; des études suggèrent qu’elle est plus efficace que les corticoïdes sur la cicatrisation. Elle peut toutefois induire des nausées et des douleurs abdominales. La combinaison des deux approches avec une nutrition entérale partielle peut être une alternative intéressante. La nutrition parentérale totale peut être nécessaire dans des formes graves (fistules importantes ou obstruction intestinale). Dans ces différentes approches, il faut faire attention au risque de présenter un syndrome de réalimentation qui est une complication potentiellement mortelle causée par un apport nutritionnel rapide combiné à un apport inadéquat de micronutriments et d'électrolytes.
Les sujets obèses peuvent être encouragés à réduire leur poids pendant les phases de rémission de la MICI en réduisant leur apport calorique, mais aussi en utilisant d’autres approches efficaces comme le jeûne intermittent ou l’augmentation des exercices d'endurance qui aident à maintenir la masse maigre.
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