Médecine générale : la féminisation de la profession conduit-elle à de meilleures prises en charge ?

  • Bouissiere A & al.
  • BMJ Open

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Une large étude multicentrique française basée sur l’analyse de plus de 20.000 consultations de médecine générale conclut que les généralistes de sexe féminin ont plus souvent recours à des examens cliniques diagnostiques que les hommes, et prescrivent plus souvent des analyses biologiques et examens d’imagerie.

  • Cette étude, dont les résultats ont été ajustés sur de multiples variables, suggère des différences qui ne relèvent pas de la spécificité des patients. De nouvelles analyses seraient désormais utiles pour évaluer ces différences de pratiques cliniques au regard des recommandations, afin d’apprécier si elles suggèrent plutôt des investigations inutiles de la part des généralistes femmes, ou un recours insuffisant aux examens recommandés de la part de leurs confrères masculins.

Pourquoi est-ce important ?

La féminisation de la profession médicale a fait émerger des questions concernant la façon dont la pratique de la médecine peut avoir des spécificités genrées, alors que la formation de ces professionnels de santé est la même. Des études menées dans différents pays suggèrent des spécificités, notamment le recours à de plus nombreux examens cliniques et prescriptions médicamenteuses, ou à certains examens diagnostiques spécifiques à certaines maladies. Il n’y avait en revanche aucune étude sur les pratiques diagnostiques en médecine générale selon le sexe du praticien.

Méthodologie

Cette analyse ancillaire a été menée à partir des données de l’étude ECOGEN (Éléments de la COnsultation en médecine GENérale) transversale nationale et multicentrique qui avait été menée en France entre novembre 2011 et avril 2012. Pour mémoire, elle a consisté un recueil de données réalisé par 54 internes de médecine générale en stage supervisés chez un praticien (niveau 1), chacun étant investigateur dans 1 à 3 centres (terrains de stage). Au total, les données de 128 cabinets rattachés à 27 départements de médecine générale ont été collectées et analysées.

Principaux résultats

Les médecins généralistes participants étaient majoritairement des hommes (66,4%), de 53 ans d’âge moyen, exerçant principalement en milieu urbain (61,7%) et en cabinet de groupe (61,7%). Sur la période d’analyse, ils ont réalisé 20.613 consultations au cours desquelles 45.582 problèmes de santé ont été pris en charge. Ils ont principalement prescrit un examen clinique pour 64,1% de ces problèmes, un examen de laboratoire pour 12,7% d’entre eux et un examen d'imagerie dans 5,0% des cas.

L’analyse univariée a montré des différences de pratiques entre les femmes et les hommes qui ont été confirmées par l’analyse multivariée : ainsi, les femmes avaient plus souvent recours à des examens cliniques de dépistage (OR 1,75 [1,19-2,58]), ou de diagnostic et de suivi (OR 1,41 [1,08-1,84]). Par ailleurs, elles prescrivaient aussi plus souvent des tests de laboratoire à des fins de diagnostic ou de suivi (OR 1,21 [1,03-1,43]).

Il n’y avait pas d’interaction statistique entre le sexe du médecin et celui du patient. L’écart de pratique entre les deux sexes était significatif pour certaines pathologies en particulier, comme la médecine préventive, la rachialgie, la constipation, ainsi que dans les dyslipidémies ou l’ostéoporose (OR compris entre 1,55 et 5,79, p significatifs)