Manifestations neurologiques associées au COVID-19 : où en est-on ?


  • Agnès Lara
  • Actualités Médicales
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Au 12 mai, il était fait état de plus de 140.000 cas confirmés de COVID-19 en France pour près de 27.000 décès. Bon nombre de patients atteints n’ayant pas été testés, le taux de létalité est estimé en France à 0,5%. Si le tropisme respiratoire du virus est apparu d’emblée de façon évidente, on sait aujourd’hui que la maladie est systémique et responsable d’atteintes multi-organiques. L’objet du webinaire organisé le 12 mai dernier par la Société Française de Neurologie (SFN), le Collège des Enseignants de Neurologie (CEN) et l’Association Nationale des Assistants et Internes de Neurologie de France (ANAINF) était de faire le point sur des atteintes du système nerveux liées ou possiblement liées au COVID-19. Trois neurologues étaient invités et ont abordé le sujet sous différents angles. Le Dr Sophie Demeret, responsable de la réanimation neurologique à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (une unité dédiée au COVID-19 depuis le début de l’épidémie), s’est exprimée la première et a passé en revue les données de la littérature concernant les différentes manifestations neurologiques observées chez les patients COVID-19, ainsi que les premieres hypothèses physiopathologiques.

 

Une atteinte neurologique centrale associée au SARS-Cov-2 clairement identifiée 

La première étude a mettre en lumière l’existence d’atteintes neurologiques dans certains cas de COVID-19, y compris des formes graves, est celle qui a été publiée dans le JAMA Neurology par Mao et al (1). Cette étude rétrospective réalisée à Wuhan en janvier et février dernier a inclus 214 patients consécutifs hospitalisés pour un COVID-19 et a recherché la présence de signes neurologiques dans leur dossier. Des signes variés ont effectivement été retrouvés chez 36,4% des patients. Pour certains, il s’agissait de symptômes bénins directement imputables au SARS-Cov-2 tels que des vertiges, des céphalées, une anosmie ou une agueusie. Mais des complications plus sévères comme des AVC ont également pu être imputées au COVID-19. En revanche, pour d’autres manifestations peu spécifiques, comme des atteintes musculaires, des troubles de la conscience, ou des crises d’épilepsie, l’imputabilité a été plus difficile à établir du fait de l’absence de données paracliniques et la présence de facteurs confondants. 

Une deuxième étude, française celle-ci, prospective et observationnelle, a été menée chez 58 patients consécutifs hospitalisés dans les services de réanimation du Grand Est et dont les résultats sont parus dans le New England Journal of Medicine (2). Pour la grande majorité d’entre eux, l’évaluation était réalisée au réveil après l’arrêt des curares et des sédations. Un très grand nombre était agité ou confus, ce qui est fréquemment observé chez les patients de réanimation, même hors COVID-19. Mais des signes pyramidaux ont également été observés chez 70% des patients, ce qui est plus inhabituel, et un syndrome dysexécutif était présent chez 35% d’entre eux. L’IRM montrait des prises de contraste leptoméningée dans 60% des cas et des accidents ischémiques cérébraux dans 23% des cas. Parmi les patients qui avaient bénéficié d’une IRM de perfusion, tous montraient une hypoperfusion frontotemporale bilatérale. Mais les PCR réalisées à partir de ponction lombaire se sont toutes révélées négatives (7 patients sur 7).

Par ailleurs, plusieurs cas cliniques concernant des patients de 24 à 64 ans ont été décrits, mais dont les données sont parcellaires. Différents types de lésions ont été observés à l’IRM : hypersignal hippocampique ou au niveau des thalami notamment, pouvant évoquer une encéphalite nécrosante aiguë (ENA), telle que celle que l’on observe après une infection virale aiguë. Rappelons que ces ENA sont associées à un mécanisme cytokinique avec altération de la barrière hémato-encéphalique, sans invasion virale directe ni infiltrat inflammatoire. L’un de ces cas, un jeune homme de 24 ans arrivé à l’hôpital en état de mal épileptique généralisé, mérite d’être signalé car c’est le seul pour lequel la PCR réalisée après ponction lombaire s’est révélée positive au SARS-Cov-2.

 

Une atteinte du système nerveux périphérique pourrait également être associée au COVID-19

Plusieurs articles de la littérature ont rapporté des syndromes de Guillain-Barré (SGB) associés au SARS-Cov-2, et plusieurs cas de syndrome de Miller-Fisher, une forme rare de SGB touchant les nerfs crâniens, 8 cas décrits au total. Selon Sophie Demeret, « le  SARS-Cov-2 pourrait être l’un des facteurs immunologiques susceptibles de déclencher un SGB », mais il paraît difficile de tirer des généralités à partir d’un si faible nombre de cas. Le délai de survenue du SGB après l’infection est de 5 à 15 jours selon les patients, ce qui est concordant avec ce que l’on a observé dans des SGB post-infectieux liés à d’autres agents pathogènes. Et plusieurs formes phénotypiques de polyradiculonévrite aiguë ont été décrites. La plupart des patients évoluent favorablement. 

 

Comment expliquer ces manifestations neurologiques ?

La capacité des coronavirus et notamment du SARS à pénétrer dans le système nerveux est connue depuis longtemps. Qu’en est-il de ce nouveau virus ? Le Sars-CoV-2 a pu être retrouvé par PCR dans le liquide céphalorachidien d’un seul patient à ce jour (évoqué plus haut). Dans un autre cas, des particules virales ont été retrouvées au sein du système nerveux central à l’autopsie, notamment dans les cellules endothéliales des capillaires cérébraux (3). 

Quant aux portes d’entrée possibles du virus dans le système nerveux, plusieurs hypothèses sont actuellement émises. La première, qui privilégie la voie hématogène via les cellules endothéliales et la barrière hématoencéphalique, est soutenue par les résultats de l’autopsie décrite ci-dessus. Une autre envisage une pénétration par voie rétrograde trans-synaptique via les neurones olfactifs . Elle s’appuie pour le moment uniquement sur les résultats de travaux conduits chez l’animal, mais paraît séduisante car elle pourrait rendre compte de l’anosmie fréquemment rencontrée chez les patients COVID-19. Une atteinte post-infectieuse, à type d’encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM), représente une autre hypothèse possible. L’orage cytokinique systémique présent dans les cas sévères pourrait également rendre compte d’une partie des troubles neurologiques observés chez les patients COVID-19, de même que l’atteinte endovasculaire et les effets procoagulants de l’infection COVID-19, ces deux dernières hypothèses étant actuellement privilégiées pour expliquer une large part des manifestations neurologiques liées au COVID-19.

 

Voir aussi sur Univadis : Premier registre français des manifestations neurologiques associées au COVID-19