Manger bio réduirait le risque de certains cancers

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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La manipulation des intrants chimiques, dont les pesticides, par les agriculteurs a été associée à une augmentation du risque de certaines pathologies (cancer de la prostate, lymphome, maladie de Parkinson). En revanche, les données épidémiologiques ne sont pas assez nombreuses et solides pour affirmer un lien éventuel entre ces produits et un risque accru pour la santé en population générale. Pour commencer à combler ce manque, des chercheurs du centre de recherche en Épidémiologie et Statistiques Sorbonne Paris Cité (INRA-INSERM-Université Paris 13-CNAM) ont mené une étude sur un échantillon de 68.946 personnes participant à la cohorte NutriNet-Santé, en majorité des femmes (78%) et d’un âge moyen de 44,2 ans. Elles ont répondu à un questionnaire sur la fréquence de leur consommation d’aliments bio, supposés contenir moins de pesticides, ou conventionnels (jamais, de temps en temps, le plus souvent), répartis en 16 groupes (fruits, légumes, œufs, poissons, viandes, etc), par trois mesures sur deux semaines de la consommation des 24 heures. Puis elles ont été suivies pendant 7 ans (de mai 2009 à novembre 2016).

Durant cette période, 1.340 cas de nouveaux cancers sont survenus dans l’échantillon. La probabilité d’avoir un cancer était inférieure de 25% chez les consommateurs réguliers d’aliments bio par rapport à ceux qui n’en consommaient jamais ou rarement. Cette diminution portait essentiellement sur le cancer du sein chez la femme ménopausée (diminution de 34% du risque) et les lymphomes (diminution de 76%). L’association était inexistante ou moins solide avec les autres localisations cancéreuses. Ces résultats ont été validés en tenant compte de plusieurs facteurs confondants (sociodémographiques, styles de vie, alimentation, antécédents familiaux).

Les auteurs notent que l’augmentation du risque de lymphome lié à l’ingestion de pesticides avait déjà été retrouvée dans la cohorte américaine Million Women Study, mais il n’avait trouvé aucune corrélation entre alimentation et risque global pour les autres cancers. Elle a été confirmée par une méta-analyse récente portant sur les lymphomes non hodgkiniens. De plus, une revue récente de littérature a conclu à un risque accru de cancer du sein lié à la consommation de divers produits chimiques, dont les pesticides.

Les auteurs soulignent l’originalité de leur travail, la première étude prospective à avoir un échantillon large et un questionnaire détaillé sur les habitudes alimentaires. Ils en relèvent cependant plusieurs limites : les participants sont des volontaires, intéressés par les questions alimentaires ; il est possible qu’il y ait des erreurs dans les réponses à certaines questions ; le suivi est relativement court ; certains facteurs confondants n’ont peut-être pas été repérés.

Cela étant, ils plaident en faveur de nouvelles études, notamment pour mieux repérer les produits chimiques éventuellement incriminés. Surtout, par mesure de précaution, ils recommandent la promotion des produits bio, dont le principal obstacle pour leur accès reste pour beaucoup leur prix élevé.