À retenir
On sait aujourd’hui que les 1012 à 1014 micro-organismes qui peuplent notre intestin (bactéries, champignons, etc.) jouent un rôle déterminant dans de nombreuses fonctions de l’organisme, digestives bien sûr, mais aussi métaboliques, immunitaires... une liste qui ne cesse de s’allonger. Leur rôle dans le déclenchement et le développement de certaines maladies neurodégénératives est aujourd’hui sérieusement envisagé.
Un rôle déterminant dans l’étiologie des maladies neurodégénératives
Alors que l’étiologie de ces pathologies est encore incomplètement comprise, plusieurs études ont montré depuis une dizaine d’années que le cerveau était sous l’influence jusque là insoupçonnée du microbiote intestinal. L’axe intestin-cerveau, cette voie neuronale bidirectionnelle reliant le système nerveux entérique au cerveau, constitue une porte d’entrée vers le système nerveux central indépendante de la circulation sanguine. Les données récentes suggèrent que le point d’origine de la pathogenèse de certaines maladies neurodégénératives pourrait se situer dans l’intestin. Ainsi, une dysbiose du microbiote intestinal est observée chez les personnes atteintes de maladie de Parkinson, avec des dépôts d’alpha-synucléine présents dans les neurones intestinaux dès les stades précoces de la maladie.
L’hypothèse de la MAPRANOSE ou de l’ensemencement croisé
Les travaux de Chen et collaborateurs, réalisés sur le rat, ont montré que les bactéries capables de produire des protéines amyloïdes bactériennes pouvaient augmenter la production d’alpha-synucléine dans l’intestin, ainsi que la production et l’agrégation de cette protéine dans le cerveau. Une inflammation cérébrale était également observée, alors que ces phénomènes n’apparaissaient pas avec des bactéries contrôles incapables de produire cette protéine amyloïde. De même, dans un modèle murin de maladie d’Alzheimer surproduisant le peptide ß-amyloïde, les souris stériles présentaient des signes moins prononcés de la maladie, mais l’expression de la maladie était rétablie lorsqu’elles étaient ensemencées avec le microbiote des mêmes animaux transgéniques non stériles.
Le modèle qui préside aujourd’hui suggère que des protéines amyloïdes bactériennes, produites par des souches bien spécifiques, pourraient, par un processus dit « d’encensement croisé », amorcer la maladie chez l’homme en provoquant des anomalies de repliement des protéines et en favorisant la formation d’agrégats dans le cerveau, un mécanisme similaire à celui des maladies à prion en somme. Ce processus a été nommé MAPRANOSE pour Microbiota Associated Proteopathy and Neuro-inflammation. Cependant, d’autres processus pourraient entrer en jeu.
Une modulation des mécanismes immunitaires et oxydatifs dans le SNC
Les protéines amyloïdes bactériennes sont reconnues par l’organisme comme des pathogènes potentiels. Elles pourraient amorcer une réponse immunitaire dirigée contre les protéines amyloïdes endogènes du SNC, via l’activation des Toll-like receptors 2 (TLR2) et de différents messagers pro-inflammatoires. Le microbiote pourrait aussi jouer un rôle dans le développement de la maladie en modulant l’inflammation cérébrale. La stimulation des TLR est aussi connue pour activer la production de radicaux libres et moduler les réactions d’oxydo-réduction, mais les résultats dans ce domaine sont encore balbutiants.
Le microbiote intestinal à la croisée de nombreuses interactions
Le microbiote intestinal s’établit différemment selon les cultures, les lieux et les modes de vie. L’alimentation représente évidemment un déterminant essentiel et suscite de nombreuses explorations : pré- et probiotiques, régimes alimentaires, transplantation de microbiote fécal, etc. Ces différentes interventions seront probablement un jour testées pour prévenir ou influer sur le décours des maladies neurodégénératives. Mais pour l’heure, un long chemin reste à parcourir pour comprendre les interactions complexes entre microbiote, génétique de l’hôte, alimentation et, bien sûr, vieillissement.
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