Maladies inflammatoires chroniques des intestins : que sait-on des aliments à privilégier ou à éviter ?

  • Nathalie BARRÈS
  • Résumé d’article
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Au-delà de la composante génétique, il est largement admis que l’alimentation joue un rôle dans la pathogenèse des maladies inflammatoires chroniques des intestins (MICI). L’alimentation peut également être un atout complémentaire des traitements pour induire ou maintenir une rémission chez les patients présentant une maladie active. Les choix alimentaires ne sont pas anodins, car au-delà des contraintes pour les patients et leur entourage, ils peuvent également conduire à des carences nutritionnelles importantes. Des chercheurs ont réalisé une revue de la littérature publiée dans Nutrients, afin de mettre en évidence les niveaux de preuve associés aux conseils nutritionnels susceptibles d’être transmis aux patients.

L’épidémiologie révèle des faits importants

La majorité des études épidémiologiques menées sur le sujet montre une stabilisation ou une baisse de l’incidence de la maladie de Crohn (MC) et de la rectocolite hémorragique (RCH) en Amérique du Nord et en Europe, et une augmentation de l’incidence de ces maladies dans les pays nouvellement industrialisés. Ces données amènent les chercheurs à évoquer l’existence probable d’associations entre le changement des modes de vie de ces populations incluant l’alimentation et cette évolution.

Quels aliments privilégier chez les patients souffrant de MICI ?

Certains aliments seraient jugés comme délétères (viande rouge, certains lipides,…), car ils viendraient perturber l’intégrité de la barrière intestinale et favoriseraient la perméabilité aux agents pathogènes entériques qui entretiendraient le processus inflammatoire sous-jacent.

En revanche, les preuves scientifiques manquent pour affirmer qu’une faible consommation de viande rouge pourrait améliorer l’état clinique des patients souffrant de MICI. Dans les régimes occidentaux, le ratio acides gras oméga-6/acides gras oméga-3 est souvent trop élevé. Or, l’action pro-inflammatoire des acides gras oméga-6, est médiée par la dysbiose intestinale (terrain de développement de bactéries pathogènes), la régulation positive des gènes pro-inflammatoires et par la diminution des taux d’acides biliaires (acide ursodésoxycholique et acide désoxycholique). D’autres travaux ont montré une augmentation du risque de MC et de RCH en cas de consommation élevée d’acides gras polyinsaturés et d’acides gras oméga-6. À ce jour, les essais cliniques menés pour évaluer l’intérêt d’une supplémentation en acides gras oméga-3 peinent à montrer un bénéfice avec un niveau de preuve suffisant dans la MC ou la RCH.

Les fruits et légumes ont-ils démontré un effet protecteur ?

Les fibres alimentaires apportent des acides gras à chaîne courte nécessaires à l’eubiose intestinale et à l’intégrité de la barrière intestinale.

Une recommandation émise par l’International Organisation for the Study of Inflammatory Bowel Disease1 souligne que « sur la base des preuves actuelles, il est prudent d’augmenter l’apport alimentaire en fruits et légumes chez les sujets souffrant de la MC (à l’exception des formes sténosantes). » En revanche, les preuves concernant les fibres sont insuffisantes pour établir des recommandations spécifiques dans la RCH.

Édulcorants, additifs et émulsifiants à bannir ?

Plusieurs additifs et émulsifiants ont été mis en cause dans l’aggravation des MICI, notamment le carraghénane (épaississant, gélifiant, émulsifiant et stabilisant de nombreux aliments transformés, comme les crèmes glacées, le lait de soja, les yaourts). Les auteurs de cette revue indiquent qu’ « il peut être prudent de limiter l’apport d’additifs tels que le carraghénane dans l’alimentation, bien que les données à l’appui d’une telle recommandation soient limitées. »

Des résultats intéressants mais encore trop fragiles pour la curcumine

La curcumine est connue pour ses propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires sur les cellules épithéliales de l’intestin. Son action passe par l’inhibition de la voie de l’IFN-gamma. La curcumine présente un bon profil de sécurité et de tolérance. Cependant, les essais cliniques ayant évalué son intérêt sont encore limités et présentent des faiblesses méthodologiques (petits effectifs, hétérogénéité,…). De fait, les auteurs concluent « qu’il peut être utile d’ajouter la curcumine en traitement d’appoint chez les patients souffrant de RCH légère à modérée pour induire ou maintenir une rémission. Elle pourrait être particulièrement utile chez les patients qui préfèrent utiliser des produits naturels/à base de plantes, ou qui ne peuvent pas tolérer les traitements médicamenteux habituels. Cependant, davantage de données de haute qualité sont nécessaires pour étayer cette recommandation et l’appliquer en pratique quotidienne. ». Concernant les patients atteints de MC, leur discours est plus ferme « nous déconseillons son utilisation chez les patients atteints de MC ». Les résultats prometteurs des essais cliniques menés avec la curcumine devraient engager rapidement des essais de grande envergure et de bonne facture, tant chez les patients atteints de MC que chez ceux souffrant de RCH.

Après avoir fait un point sur l’état des connaissances concernant la consommation de viande, de divers types de lipides, de fibres et d’additifs alimentaires, nous vous proposons de consulter un autre article qui revient sur les preuves disponibles des bénéfices de certains régimes.