Maladie rénale chronique : la calprotectine, cible potentielle contre la calcification

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon une étude menée auprès de patients ayant une maladie rénale chronique (MRC) de stade 3-4 ou de stade 5 sous dialyse, des niveaux élevés de calprotectine sont associés à un risque accru de complications cardiovasculaires et de décès.
  • Les auteurs ont conduit des études chez l’animal afin de comprendre les liens unissant la protéine et la calcification vasculaire qui conduit à la progression de la MRC.
  • Leurs résultats confortent le rôle de la calprotectine dans l’évolution de la maladie rénale et suggèrent que son inhibition pourrait offrir une approche nouvelle et complémentaire pour lutter contre la calcification vasculaire des personnes à haut risque.

Pourquoi est-ce important ?

La maladie rénale chronique (MRC) est associée à un risque de complications cardiovasculaires non spécifiques comme l'athérosclérose, mais aussi à une calcification vasculaire spécifique de l’insuffisance rénale. Celle-ci est associée à l’augmentation de la morbimortalité de ces patients. Pourtant, les mécanismes de la calcification restent mal connus.

Depuis plusieurs années, des études protéomiques sont conduites pour améliorer la connaissance des facteurs circulants associés à la progression de la maladie rénale. Mais elles se sont concentrées sur des biomarqueurs de l'inflammation, de l'IRC ou de la maladie cardiovasculaire. Cette étude a cherché à conduire une analyse plus exhaustive puis a confirmé l’intérêt et la faisabilité de cibler la calprotectine pour réduire l’évolution de la maladie. La calprotectine est une alarmine (DAMP ou Damage Associated Molecular Pattern) dont le rôle sur les cellules vasculaires reste méconnu. Dans d’autres contextes, elle est décrite comme un médiateur pro-inflammatoire favorisant le stress oxydatif, la production de cytokines inflammatoires et l'apoptose en interagissant avec les récepteurs TLR4 et RAGE (un récepteur des cellules musculaires lisses).

Méthodologie

Cette étude a utilisé la spectrométrie de masse et des tests ELISA pour identifier la nature des protéines et la quantité de calprotectine dans les échantillons de sérum provenant des cohortes de patients. Les études fonctionnelles ont été réalisées in vitro sur des cellules de muscles lisses vasculaires d’origine humaine, sur des vaisseaux d’origine murine et dans différents modèles de souris.

Principaux résultats

La première partie de l’étude a été menée à partir du suivi de trois cohortes de patients qui avaient une MRC au stade 3-4 (112 patients, âge médian 62 ans, 59,8% d’hommes, débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) médian 29,5 ml/min/1,73m2) ou en stade 5 sous dialyse (171 patients, âge médian 66 ans, 56,1% d’hommes, durée médiane de dialyse 2,7 ans). Parmi les patients aux stades 3-4, les chercheurs ont conduit une analyse protéomique cas-témoins entre 32 patients ayant présenté un événement cardiovasculaire et 34 patients témoins, appariés sur l'âge, le sexe, le DFGe, l’existence d’un diabète et les taux de cholestérol. Ils ont identifié 443 protéines dont les taux étaient significativement modifiés chez les premiers par rapport aux seconds. La sous-unité S100A8 de la calprotectine était celle qui était la plus fortement associée à la survenue d’évènements dans les analyses univariées et multivariées. Ils ont ensuite validé ces résultats dans la cohorte sous dialyse ; le taux de calprotectine circulante y était positivement associé à la protéine C-réactive (CRP).

Après stratification dans les deux cohortes, ceux qui appartenaient au tertile de calprotectine sérique le plus élevé à l’inclusion avaient un taux plus élevé de CRP et une probabilité cumulée de morbimortalité cardiovasculaire plus importante que ceux appartenant au tertile le plus bas. In fine, un modèle de régression incluant le taux de calprotectine et les facteurs de risque cardiovasculaire était associé à une aire sous courbe (AUC) de 0,77 et de 0,73 dans les deux cohortes, des modèles dont la performance était supérieure au modèle n’incluant pas la calprotectine. Les chercheurs ont étudié le rôle de la calprotectine sur la calcification dans des cellules de muscle lisse vasculaire in vitro : ils ont confirmé cette propriété, assurée par l'intermédiaire des récepteurs à médiation proinflammatoire TLR4 et de RAGE. Enfin, in vitro et chez l’animal, ils ont montré la possibilité de contrer son activité procalcifiante par un inhibiteur spécifique, le paquinimod.