Maladie coronarienne : faut-il reconsidérer l’aspirine en monothérapie ?

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • La plus grande méta-analyse conduite sur le sujet à partir des données individuelles des patients suggère que le risque combiné d'événements ischémiques fatals et non fatals est plus faible lorsque les patients ayant une maladie coronarienne établie sont traités par inhibiteur de P2Y12 en monothérapie que lorsqu’ils sont traités par aspirine seule, avec un nombre de patients nécessaire à traiter pour prévenir un événement du critère principal sur une période de 2 ans de 121 et 136 respectivement.
  • Les auteurs suggèrent que la protection apportée par les inhibiteurs de P2Y12 est supérieure à l'aspirine et qu’elle est potentiellement pertinente pour la pratique clinique. Ils estiment que le bénéfice à plus long terme pourrait être supérieur.
  • L’éditorial accompagnant cette publication est plus nuancé : il souligne que les études incluses ont été conduites sur 3 décennies et que les résultats cliniques ont pu être soumis à l’évolution des prises en charge. Il souligne aussi le poids de l’une des études incluses (CAPRIE) sur le résultat final, sans laquelle les conclusions pourraient être moins tranchées. « Bien que ces données soient intéressantes et incitent à la réflexion, (...) l'aspirine et les inhibiteurs de P2Y12 restent des alternatives viables pour la prévention des événements athérothrombotiques chez les patients souffrant d'une maladie coronarienne établie. Avant de retirer définitivement l'aspirine de la circulation, il est nécessaire d'effectuer d'autres comparaisons directes, à grande échelle et contemporaines. »

Pourquoi est-ce important ?

Les données de la littérature ne permettent pas clairement de déterminer quelle monothérapie – de l’aspirine ou des inhibiteurs du récepteur P2Y12 – a le rapport bénéfice-risque le plus intéressant dans la prise en charge des patients ayant une maladie coronarienne : dans les années 2000, l'étude CAPRIE a suggéré une petite supériorité du clopidogrel dans une cohorte hétérogène de patients, mais les études ultérieures conduites avec cette molécule ou avec le ticagrelor depuis, ont abouti à des résultats contradictoires. Cette publication est la première méta-analyse menée sur le sujet, à partir des données individuelles des patients issus de plusieurs grands essais contrôlés randomisés comparant l’aspirine à un inhibiteur P2Y12.

Méthodologie

Cette méta-analyse a été menée après revue de la littérature afin d’identifier les études randomisées ayant comparé les deux traitements en prévention des événements cardiovasculaires chez les patients souffrant de maladie coronarienne établie. Les données individuelles de l’ensemble des 24.325 patients qui avaient été recrutés dans les sept études identifiées ont été compilées et analysées. Parmi elles, trois avaient préalablement inclus une phase initiale de double antiagrégation plaquettaire : le critère principal composite était la survenue d’un décès d’origine cardiovasculaire, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral.

Principaux résultats

Les patients de la cohorte recrutée (âge moyen 64,3 ans, 21,7% de femmes) avaient des antécédents d’IDM (infarctus du myocarde) ou d’AVC (accident vasculaire cérébral) dans 56,2% et 6,6% des cas respectivement. Ils avaient eu une revascularisation percutanée, chirurgicale ou les deux dans 54,9%, 10,6% et 4,4% des cas. L'inhibiteur P2Y12 était principalement le clopidogrel (62%) puis le ticagrelor (38%).

Le traitement par inhibiteur P2Y12 a été associé à une réduction de 12% du critère d'évaluation principal sur une durée médiane de 1,35 ans par rapport à une monothérapie par aspirine (3,6% vs 4,1% ; p=0,012). Il était aussi associé à des taux d’IDM ou de thrombose sur stent pour les patients concernés qui étaient plus faibles (respectivement 1,5% vs 1,9%, p<0,001 et 0,13% vs 0,28%, p=0,03).

Le taux de saignements gastro-intestinaux et celui des AVC hémorragiques étaient plus faibles sous inhibiteur P2Y12 que sous aspirine (0,5 vs 0,7%, p=0,027 et 0,07 vs 0,17%, p=0,012 respectivement).

Le taux de mortalité toutes causes confondues, de mortalité cardiovasculaire et la fréquence des saignements majeurs étaient globalement similaires entre les deux groupes.