Mésusage de l’Ozempic® : les diabétiques sont les premières victimes
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Les réseaux sociaux font de nouvelles victimes : les diabétiques de type 2. En effet, pour répondre à la demande bien souvent fantasmagorique d’amaigrissement, nombre d’influenceurs (ou plutôt influenceuses) préconisent le sémaglutide. Dans un article publié par The Conversation, Jean-Daniel Lalau rappelle qu’en plus de son effet antidiabétique, cet analogue du GLP-1 (glucagon-like peptide 1) a la propriété de réduire le poids1.
Cette perte de poids est dose-dépendante : dans un essai clinique, à un an, les doses de 0,05 mg, 0,1 mg, 0,2 mg, 0,3 mg et 0,4 mg conduiraient respectivement à des pertes de poids de 6,0% (-6,7 kg), 8,6% (-9,3 kg), 11,6% (-12,3 kg), 11,2% (-12,5 kg), et 13,8% (-15,1 kg).
À la dose hebdomadaire de 2,4 mg, la perte pondérale est en moyenne de 15% (15kg) contre 2% (3kg) avec la seule modification du mode de vie au terme de 68 semaines de traitement.
Le sémaglutide est commercialisé sous deux appellations :
- Ozempic®, sous forme de seringues préremplies, en administration hebdomadaire en sous-cutané, disponible en 3 doses (0,25 mg, 0,5 mg, 1 mg) avec une posologie à augmenter progressivement jusqu’à atteindre 1mg par semaine et indiqué dans le traitement du diabète de type 2 ;
- Wegovy®, en seringues dosées à 2,4 mg, accessible dans le cadre d’une procédure d’accès précoce pour l’obésité très sévère (indice de masse corporelle ≥40 kg/m2). Cette forme est commercialisée aux États-Unis, mais pas en France.
Il est évidemment bien plus facile d’obtenir le premier que le second, d’où un usage détourné, particulièrement fort en Asie, dans le but de maigrir, bien souvent même avec un poids normal. C’est ici que réseaux sociaux et influenceuses jouent un rôle crucial, en faisant la promotion du produit en dehors de toute référence médicale.
En France, les données de l’Assurance Maladie montrent que sur environ 600.000 patients ayant reçu un analogue du GLP-1, dont 125.000 Ozempic®, seuls 2.185 d’entre eux « peuvent être considérés comme non-diabétiques. » L’engouement pour le produit serait donc limité. Néanmoins l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’Assurance Maladie ont mis en place une surveillance renforcée pour « s’assurer que les prescriptions respectent le cadre d’utilisation. »2
En effet, le mésusage comporte deux types de risques. Pour l’usager, il s’agit plus d’inconfort gastro-intestinal (nausées, vomissements, diarrhée) que d’effets indésirables graves, bien que certains aient été signalés (pancréatite, par exemple). Il n’y a pas d’effet hypoglycémiant, sauf si le consommateur prend déjà une insuline. En revanche le risque d’une reprise de poids, voire d’un effet rebond, est réel à l’arrêt de l’administration du produit, surtout si aucune modification de l’hygiène de vie n’a eu lieu.
Surtout, il y a un risque majeur pour les diabétiques de type 2, celui d’une rupture d’approvisionnement dû à l’intensité du mésusage. Pour l’instant il est contenu et s’il existe des difficultés d’accès au sémaglutide, elles ne viennent pas de là, du moins en France.
L’auteur de l’article s’inquiète cependant de la signification de ce phénomène quant au rapport au temps : « La communication immédiatement accessible diffusée via les réseaux sociaux sur l’effet du sémaglutide sur le poids peut faire courir le risque de détourner du travail lent et patient, sinon pénible, à mener pour modifier son mode de vie, changer son alimentation, accroître son activité physique, etc. »
Il conclut en donnant plusieurs exemples de la difficulté fréquente à distinguer mésusage et contournement de la réglementation : une indication hors AMM (autorisation de mise sur le marché) peut être justifiée dans certains cas, non investigués par les essais cliniques.
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