JDP 2022 - Loisir, travail, jardinage : quelles plantes sont à risque cutané ?

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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Dans le cadre des activités professionnelles ou de loisir, certaines plantes peuvent induire des dermatoses d’irritation (immédiates ou retardées) ainsi que des dermatoses allergiques (après un délai de sensibilisation). Une session des Journées Dermatologiques de Paris (30 novembre-3 décembre 2022) leur a été consacrée. Les connaissez-vous ?

Des réactions d’irritation…

Les dermatoses d’irritation découlent d’un contact direct cutané ou muqueux avec une plante favorisant une agression mécanique, chimique, un urticaire de contact ou une phytophotodermatose. Parmi les plantes les plus souvent incriminées figurent l’agave, le citron vert, le rosier et le lierre ainsi que le céleri, l’angélique, la carotte et le panais du côté des plantes comestibles

Les dermatoses d’irritation d’origine mécanique sont principalement liées à des traumatismes directs créés par la plante, que ce soit par le biais de leurs griffes ou pics (roncier, houx, genévrier, chardons…), ou de leurs poils (glochides des cactées ou des figues de barbaries, ou plus rarement les trichomes de l’orge, la bourrache…). Ces derniers peuvent engendrer une irritation qui persiste plus longtemps au-delà d’une irritation immédiate. Les graminées peuvent aussi être très coupants. De telles manifestations doivent être surveillées pour limiter les risques de surinfection.

Les dermatoses d’irritation peuvent être liées aux cristaux d’oxalate de calcium que contiennent certaines plantes et qui peuvent être traumatisants car acérés. Cette irritation peut aussi favoriser la pénétration de substances toxiques (exemple broméline chez les cultivateurs d’ananas ou sapogénine chez les cultivateurs d’agave). D’autres plantes plus communes contiennent des substances irritantes comme le laurier rose et les lierres (saponines), la moutarde (thiocyanates), les euphorbes d’intérieur ou d’extérieur, la chélidoine et le poinsettia (latex). Les boutons d’or et les clématites contiennent de la protoanémonine qui donnent des vésicules et bulles distribuées de façon linéaire, et le piment contient la capsaïcine qui donne des dermites bulleuses et des troubles sensitifs parfois persistants.

Enfin les phytophotodermatoses irritatives peuvent reposer sur la combinaison d’un photosensibilisant (généralement des psoralènes ou alphatertyényles des astéracées) et l’exposition au soleil, souvent au printemps, même si le risque dépend de la concentration en molécule à risque et donc de l’espèce, la partie de la plante en contact, et la saison. Les lésions peuvent être discrètes ou très étendues sur toutes les zones exposées. 

Parmi les plantes les plus souvent incriminées figurent le figuier, le citron vert et la carotte sauvage. Les ombellifères sont d’ailleurs souvent problématiques (serbe, fenouil sauvage, le panais y compris quand il est consommé en tant que légume). Dans le sud de la France, la rue fétide et la fraxinelle conduisent à de tels problèmes lors des activités de pleine nature. 

Il faut enfin  rapprocher de ces plantes les huiles essentielles  (agrumes, tagète, cumin, verveine citronnée, figuier angélique), en sachant que le mode de production modifie ce risque : ainsi, celles distillées à la vapeur ou déterpénées ont un risque négligeable. Il est dans tous les cas recommandé de les utiliser diluées, et de respecter un délai de 12h avant exposition au soleil.

aux réactions allergiques

L’exposition aux plantes de notre environnement extérieur ou intérieur et l’utilisation de produits à base de plantes peut exposer à un risque d’allergies en contact direct ou après contact avec leurs extraits. 

Il est parfois plus complexe à identifier du fait du délai d’apparition des symptômes cutanés rendant l’évocation du potentiel suspect par le patient plus aléatoire et parce que cliniquement, l’origine allergique de ces manifestations n’est pas toujours évidente.

La nature, la zone, l'intensité des lésions doivent orienter le diagnostic allergique ; un eczéma localisé est lié à un allergène de contact, avec des manifestations autres qui sont favorisées par le contact manuporté. Un eczéma au niveau des parties exposées - cou et tête notamment - est souvent plus volontiers aéroporté. Cliniquement, un eczéma allergique aéroporté peut être délicat à différencier d’une photosensibilisation, mais le non-respect du triangle sous mentonnier constitue un indice précieux.

Pour identifier le produit incriminé, il faut demander aux patients d’évoquer la totalité des produits avec lesquels ils sont en contact, y compris ceux qui peuvent leur paraître les plus banals ou anodins. Afin d’incriminer une plante, l’interrogatoire impose de demander le contexte dans lequel les manifestations sont apparues : la zone géographique, la saison, les conditions météo, le biotope (montagne, jardin cultivé, friche…), l’activité pratiquée, le délai d’apparition et l’éventuelle exposition professionnelle. Pour exemple, une manifestation bulleuse survenant en temps couvert sera plus volontiers suspectée comme une irritation, et plus volontiers d’origine phototoxique par  temps ensoleillé. 

Lorsqu’elles sont suspectées, ces allergies sont explorées par des patchs tests avec l'allergène standardisé s’il existe, ou parfois avec la plante directement ; dans ce cas, il faut être sûr qu’il s’agit bien de celle incriminée et que la réaction qui sera observée est allergique et non d’irritation.

Parmi les plantes les plus souvent concernées, figurent les apiacées, les anacardiacées (rhus toxicodendron), les aracées, les astéracées (y compris camomille, calendula ou pissenlit, même si rares), certaines mousses parasites de bois de chauffage, les liliacées (tulipes et alstroemère, en milieu professionnel), la primevère d’intérieur (prinine favorisant l’eczéma aigu, aéroporté et un érythème polymorphe), les alliacés (ail) qui peuvent être irritants mais aussi sensibilisants si fréquemment manipulés, les lamiacées (basilic, menthe, lavande, laurier noble…). Il faut enfin citer le lierre commun (allergisant par contact direct ou aéroporté), le baume du Pérou (eczéma aigu), les extraits de houx (ruscus) ou la centella (utilisé en cicatrisant), l’huile de nigelle (risque de syndrome de Steven Johnson) parmi les causes potentielles. Les huiles essentielles sont aussi vectrices d’eczéma systémique souvent sévère ; elles deviennent d’autant plus sensibilisantes que le contenu du flacon est exposé à l’air depuis longtemps.