« Nous percevons les algorithmes d'intelligence artificielle basés les enregistrements ECG comme un moyen d'apporter une assistance dans l'identification des patients les plus à risque de fibrillation auriculaire », a commenté dans un communiqué le Dr Steven Lubitz, du Massachusetts General Hospital (MGH), à Boston, (Etats-Unis), qui a dirigé l'étude. « Le recours à de tels algorithmes pourrait inciter les cliniciens à modifier d'importants facteurs de risque de fibrillation auriculaire. »
Ces dernières années, plusieurs équipes de recherche se sont intéressées au potentiel de l'intelligence artificielle (IA) pour aider à détecter une fibrillation auriculaire (FA). Ce trouble du rythme cardiaque est, en effet, souvent asymptomatique et peut passer inaperçu. Les outils développés ont montré leur capacité de repérer des signaux apparaissant sur un tracé ECG, imperceptibles à l'oeil nu, mais révélateurs de la présence d'une FA.
Dans cette nouvelle étude, le Dr Lubitz et son équipe ont voulu évaluer le potentiel de ces algorithmes d'IA, mais cette fois dans la détection de signes précurseurs d'une fibrillation auriculaire en analysant les tracés d'un ECG, afin de déterminer le risque de développer à moyen terme une arythmie.
Les chercheurs ont utilisé un logiciel de type réseau neuronal à convolution (deep learning) qu'ils ont tout d'abord entrainé dans l'analyse des résultats d'ECG de plus de 45 000 patients pris en charge au MGH entre 2000 et 2019. Les patients ont été suivis pendant un délai médian de cinq ans. Ils devaient avoir été reçus en consultation au moins deux fois dans un délai de un à trois ans. Parmi eux, 2 710 ont eu un diagnostic de FA.
La capacité de l'algorithme à détecter les signes avant-coureurs d'une FA a ensuite été évaluée sur une série d'examens ECG obtenus lors du suivi de plus de 83 000 individus, dont 2 424 ont développé une fibrillation auriculaire. Elle a été comparée aux performances de CHARGE-AF, un score clinique utilisé pour prédire le risque de fibrillation auriculaire à cinq ans, à partir notamment des résultats de la pression artérielle.
Les analyses ont révélé la pertinence de la signature spécifique du risque de fibrillation auriculaire que l'intelligence artificielle a appris à identifier. La probabilité de développer une fibrillation est notamment déterminée par la durée de l'onde de dépolarisation des oreillettes (onde P). Cette signature est « le reflet de l'état de la structure et de la fonction atriale qui peut être altéré par l'âge ou par des conditions chroniques comme l'hypertension », soulignent les auteurs.
L'étude montre que la discrimination à cinq ans du modèle de « deep learning » basé sur l'analyse des tracés ECG, c'est-à-dire sa capacité à distinguer les sujets à risque, est similaire à ce qui est obtenu avec le score CHARGE-AF, qui s'appuie sur 11 critères cliniques. Les résultats sont plus précis chez les patients avec des antécédents d'insuffisance cardiaque ou d'AVC. Selon les chercheurs, les deux approches restent complémentaires et, par une utilisation conjointe, peuvent aider à affiner l'estimation.
« Des modèles comme celui basé sur l'intelligence artificielle permettent d'avoir une estimation instantanée du risque de FA, ce qui peut faciliter l'identification rapide des individus à risque élevé de FA, guider les efforts de prévention et augmenter l'efficacité du dépistage en ciblant les sujets les plus à risque », estiment les chercheurs.
Selon eux, la capacité à prédire le risque de FA à cinq ans pourrait inciter les patients à adopter des mesures de prévention, comme l'arrêt de la consommation d'alcool, la perte de poids ou le traitement de l'hypertension.
Cet article a été écrit par
Vincent Richeux et initialement publié sur le site internet
MediQuality.