Les traitements par voie orale sont-ils les seuls impactés par l’alimentation ?

  • Zou P
  • AAPS J

  • Nathalie Barrès
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Le débit sanguin des tissus adipeux est augmenté en période post-prandiale, ce qui modifie l’absorption des médicaments administrés par voie sous-cutanée (SC), intradermique (ID) ou transdermique (TD). 
  • La prise alimentaire réduit l’aire sous la courbe (ASC) de certains médicaments administrés par voie intraveineuse (IV) et par inhalation alors qu’elle augmente celle de certains produits administrés par voie SC. Pour autant, ces modifications n’ont pas nécessairement de conséquences cliniquement pertinentes.
  • Une vigilance doit être portée en cas de traitement à marge thérapeutique étroite et lors de la réalisation d’études cliniques.

Pourquoi est-ce intéressant ?

Si les effets de l’alimentation sur les médicaments administrés par voie orale sont bien étudiés, il n’en est pas de même pour les médicaments administrés par d’autres voies. Et pourtant, l’alimentation peut modifier leur métabolisme et/ou excrétion. Cette étude vient compléter les données déjà connues concernant l’impact de l’alimentation : notamment du jus de pamplemousse, des médicaments substrats du CYP P450, des régimes riches en protéines (qui augmentent la clairance de la créatinine et l’élimination rénale des médicaments) ou altèrent l’excrétion et la réabsorption de certains médicaments par l’acidification des urines ou des régimes riches en glucides qui eux favorisent à l’inverse la basification des urines.

Principaux résultats

Cette revue de la littérature a mis en évidence 19 médicaments dont la pharmacocinétique a été étudiée sous l’influence de l’alimentation. Parmi eux, 14 sont des formes intraveineuses (IV), 2 sous-cutanées (SC), 1 intradermique (ID), 1 pulmonaire (P) et 1 rectale (R). Les analyses ont montré que :

  • Le flux sanguin des tissus adipeux sous-cutanés doublait dans l’heure qui suivait un repas et que cette augmentation persistait durant 3 h. Ainsi, les variations de débit sanguin sous-cutané en post-prandial sont susceptibles de modifier l’absorption des médicaments administrés par voie SC, ID ou transdermiques. Une étude a d’ailleurs montré que l’alimentation pouvait altérer la pharmacocinétique d’insuline aspart administrée en SC de façon supérieure à la glycémie elle-même. Ce phénomène serait accentué en cas d’injection au niveau abdominal par rapport à une injection SC au niveau fémoral. L’alimentation augmente le flux sanguin sous-cutané, mais pas le flux lymphatique. Les effets de l’alimentation sur l’administration de peptides en SC ne sont perceptibles que pour les substances dont le poids moléculaire est <30 kDa.
  • Le flux sanguin hépatique est augmenté de 69% et de 36% à 40 minutes et à 100 minutes après un repas. La hausse du flux sanguin persiste jusqu’à 3 heures après le repas. Le flux biliaire quant à lui est multiplié par un facteur 2 à 4 après un repas. Ces deux phénomènes contribuent à accélérer la clairance des médicaments administrés par voie IV et qui subissent un important métabolisme hépatique (ex. propanolol, lidocaïne, labétalol), ou ayant une excrétion biliaire (comme le vert d’indocyanine et l’acide glycocholique).
  • Une étude a montré que l’alimentation augmentait la clairance de 41% du HMR1031 (produit inhalé évalué dans l’asthme) et diminuait son exposition systémique d’environ 30%.
  • La Tmax (temps d’atteinte de la concentration maximale) du diazépam administré par voie rectale est de 84 minutes à jeun et passe à 36 minutes après la prise d’un repas. Ainsi, la prise alimentaire diminuerait l’aire sous la courbe et la Cmax (concentration maximale) du diazépam administré par voie rectale de 14% et 11% respectivement.