Les principaux enjeux de l’édition génomique humaine
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Du 6 au 8 mars 2023 a eu lieu à Londres la troisième édition du Sommet international sur l’édition génomique humaine (Third International Summit on Human Genome Editing), dont les applications potentielles sont nombreuses. Ainsi, la FDA américaine (Food and Drug Administration) pourrait valider en 2023 la première thérapie génique basée sur des modifications ciblées du génome visant la drépanocytose, qui touche des millions de personnes dans le monde. L’édition génomique (modification précise du génome par manipulation de séquence) soulève de nombreux enjeux, dont trois apparaissent particulièrement importants aux yeux de Morgan Meyer, qui a rendu compte du Sommet sur le site The Conversation.
Le premier enjeu porte sur l’héritabilité des modifications du génome. Il concerne surtout celles des cellules germinales. Or, la sûreté et l’efficacité des techniques n’ont pas été démontrées, il n’existe aucun débat sociétal sur le sujet ni aucune gouvernance responsable. C’est pourquoi la communauté scientifique estime que « les conditions ne sont pas remplies pour éditer des cellules héréditaires. »
Le second enjeu porte sur la régulation internationale. En effet, la communauté scientifique a été échaudée par l’annonce (sur Youtube !) en novembre 2018 du chercheur chinois He Jiankui de la naissance de deux jumelles dont il avait modifié le génome à l’état d’embryon. La condamnation a été unanime et immédiate. Le prix Nobel David Baltimore a déclaré que « la régulation internationale avait échoué », mais a voulu réassurer en affirmant qu’il s’agissait d’un « événement singulier qui ne s’est jamais reproduit. » Un membre de l’Académie des sciences chinoises (Yaojin Peng) a renchéri en mentionnant que l’édition génomique héréditaire est légalement interdite et que la position de la Chine est fondamentalement « conforme » aux normes internationales. Cependant, une sociologue de l’Université du Kent (Joy Zhang) s’est montrée moins optimiste : pour elle, les discussions chinoises sur l’éthique et la sécurité s’appliquent à la médecine et à la science, mais pas aux entreprises. De plus, la participation des scientifiques aux décisions « reste un processus fragile ». Morgan Meyer rappelle par ailleurs qu’un chercheur russe, Denis Rebrikov, a annoncé en 2019 son intention de créer des embryons humains modifiés. En Europe, l’édition de cellules germinales est interdite par la convention Oviedo (Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine).
En revanche, l’édition génomique de cellules somatiques pourrait guérir des maladies jusqu’ici incurables. Plusieurs centaines de patients ont été recrutés dans des protocoles expérimentaux.
Reste le troisième enjeu, celui de l’accessibilité de ces techniques. Elles nécessitent en effet des investissements importants qui ne sont pas toujours couronnés par des essais cliniques positifs. Aussi les prix de vente sont-ils importants, pouvant atteindre plusieurs millions d’euros pour certains traitements. Steve Pearson, président de l’Institute for Clinical and Economic Review, a déploré que « personne n’est prêt » pour mettre à disposition le futur traitement de la drépanocytose. En effet, l’immense majorité des patients vivent dans des régions où la maladie est fréquente (Afrique subsaharienne, Antilles, Brésil, Inde), mais ont des ressources limitées.
Aussi Morgan Meyer conclut en se demandant comment trouver des réponses concrètes à la question : « Comment traduire des principes comme la responsabilité, la transparence, l’accessibilité, l’équité, l’inclusion, et le dialogue sociétal en impératifs politiques ? »
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