Les pharmaciens pourront prescrire directement une antibiothérapie en cas d’angine ou de cystite

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Pendant une visite au CHU de Rouen, la Première Ministre Elizabeth Borne a annoncé son intention d’ouvrir la possibilité pour les pharmaciens 1 de prendre en charge directement deux pathologies fréquentes et le plus souvent bénignes, les angines et les cystites, sans que les patients consultent au préalable un médecin. Les pharmaciens pourront prescrire une antibiothérapie si elle s’avère nécessaire, notamment après réalisation d’un test rapide d’orientation de diagnostic (TROD) en cas d’angine. Les modalités pratiques de cette annonce ne sont pas encore connues, mais elle s’inscrit dans une volonté politique ancienne des autorités de santé à élargir les compétences des professionnels de santé non-médecins. Pour mémoire, les pharmaciens avaient déjà la possibilité de réaliser un TROD quand ils le jugeaient utile, mais en cas de résultat positif, ils devaient orienter le patient vers un médecin. Et ils pouvaient délivrer une antibiothérapie sans nouvelle consultation auprès du médecin si celui-ci avait porté la mention « si TROD angine positif, sous 7 jours calendaires » sur l’ordonnance délivrée au patient. Ce qui va changer est qu’en cas de TROD positif ou de test de bandelette urinaire positif réalisés directement auprès du pharmacien, celui-ci pourra délivrer un traitement sans passer par le médecin, mais très vraisemblablement avec l’obligation de l’en informer et/ou de le porter sur le dossier médical personnel ou le carnet de santé. Il est probable que cette possibilité sera ouverte à la condition d’avoir suivi une formation complémentaire sur ces deux pathologies (il existe déjà des formations courtes pour les TROD angine).

C’est notamment le cas pour la récente extension des compétences vaccinales des pharmaciens (décret du 8 août 2023 2), qui prévoit une formation en deux modules. L’un, d’une durée de 10h30, porte « notamment sur les caractéristiques des maladies à prévention vaccinale, la traçabilité des vaccinations et les principales recommandations du calendrier vaccinal ». L’autre, d’une durée de 7 heures, est consacré notamment au « cadre normatif et aux objectifs de santé publique de la vaccination, aux modes d'injection et au suivi post-injection ».

Une autre décision gouvernementale illustre la volonté des autorités de santé de sortir du « tout médical », notamment en favorisant les protocoles de coopération. Le protocole relatif à la prise en charge de la pollakiurie et des brûlures mictionnelles ainsi que celui relatif à la prise en charge de l’odynophagie ont été élargis aux CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) en mars 2023. Selon l’arrêté du 17 août 2023 3, les professionnels de santé, dont les pharmaciens, intégrés à l’expérimentation Osys 4 pourront mettre en œuvre ces protocoles. Pour mémoire, cette expérimentation permet aux pharmaciens d’officine d’apporter un conseil pharmaceutique encadré pour une prise en charge « de petits maux du quotidien », répertoriés dans une liste en comportant 13. Elle dure depuis deux ans en Bretagne, avec succès.

L’histoire des élargissements de compétences antérieurs rend très probable une nouvelle opposition des organisations de médecins. Elles défendent l’indépendance médicale, la qualification apportée par leur formation et le respect du parcours de soins coordonné. Du côté gouvernemental et des pharmaciens, on objectera la pénurie de praticiens médicaux, le faible taux de TROD réalisés en cabinet médical et le nombre d’antibiothérapies qui auraient pu être évitées, avec ses conséquences en termes d’antibiorésistance et de coût pour l’assurance maladie. Il est à espérer que nous n’assisterons pas à un nouveau dialogue de sourds.