Les médecins sont des hommes et des femmes comme les autres (presque)

  • Serge Cannasse
  • Editorial
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L’impression d’ensemble qui se dégage de la très riche enquête de Medscape ne devrait pas surprendre, tant ses résultats se rapprochent des constats faits depuis une vingtaine d’années sur les évolutions de la très grande majorité des catégories socio-professionnelles françaises. L’un d’eux en particulier est massif et il est commun aux hommes et aux femmes : la volonté de concilier vie professionnelle et vie privée. Le changement est sans doute plus net pour les professions médicales, traditionnellement associées à une dépense sans compter de leur temps pour leurs praticien.ne.s. Mais ici comme ailleurs, le désir impérieux ne se traduit que lentement dans les faits.

Toutes les enquêtes montrent que les femmes assurent la majorité des tâches domestiques, et au minimum qu’elles en font deux fois plus que les hommes. C’est un obstacle considérable à l’égalité « de genre ». Les raisons en sont multiples, mais l’enquête de Medscape en met particulièrement une en avant : le poids des stéréotypes, qui s’exercent à tous les niveaux, aussi bien de la part des collègues, de la hiérarchie que des patients. Il n’est pas difficile de comprendre le choix de l’exercice libéral par nombre de femmes au regard des enjeux de pouvoir dans les établissements hospitaliers publics, notamment universitaires, qui se règlent souvent par des stratégies de cooptation. Il en va de même dans toutes les entreprises de grande taille.

Ce qui peut apparaître comme une anecdote révèle en fait l’ampleur de ces stéréotypes, qui, il faut y insister, sont intériorisés aussi bien par les hommes que par les femmes, même quand elles en ont conscience : une femme, jeune de surcroît, est avant tout une infirmière, c’est-à-dire plus fondamentalement, dans l’imaginaire, quelqu’un dévolu au « care » et au corps et qui se plie aux instructions masculines, celles du médecin ou du mari. Car il en va de même dans la vie familiale. Plusieurs enquêtes ont montré que certes, les hommes s’investissent plus qu’autrefois dans les affaires domestiques, mais principalement dans l’éducation des enfants, et encore ! À condition qu’ils ne soient pas trop petits et que les tâches soient nobles (jouer, apprendre). Le parallèle n’est pas anodin et il a été relevé depuis belle lurette par les sociologues.

Au regard de la situation dans certains pays d’Europe du nord, bien moins patriarcaux que ceux du sud, il est permis de pousser l’analogie : la demande de considération des infirmières procède du même mouvement que celle des femmes médecins, et des femmes d’une manière générale. Sa satisfaction dépend certes d’un changement d’attitude des hommes, mais aussi des femmes, qui auraient tout à gagner à ne pas imiter les comportements de leurs confrères pour avoir une chance de progresser sur l’échelle professionnelle. Au travail comme à la maison. C’est pourquoi le congé parental est un enjeu majeur à ne pas sous-estimer, en ce qui concerne sa durée, son caractère obligatoire ou non, sa répartition dans le couple et sa rémunération. C’est pourquoi les nouvelles mesures le concernant depuis le 1er juillet 2021 sont certes une avancée, mais à consolider.