Les lourdes conséquences sur la santé du travail posté et du travail de nuit
- Leger D & al.
- Presse Med
- Nathalie Barrès
- Résumé d’article
En France, 20 à 25% des salariés ont un travail de nuit ou avec des horaires décalés (TNP). Des analyses ont été réalisées par la Société française de médecine du travail et 8 autres sociétés savantes sous l’égide de la Haute Autorité de Santé (HAS) et ont conduit à des recommandations de bonne pratique1. En 2018, c’était le tour de l’ANSES de donnerun avis sur le sujet2. Cet article publié dans la revue Médecine du sommeil a pour objectif de communiquer de nouveau sur les éléments de certitude des risques liés au TNP ainsi que sur les mécanismes physiopathologiques (admis et hypothétiques) sous-jacents.
Quelques données épidémiologiques
Parmi les individus amenés à travailler la nuit, 21,5% seraient des hommes et 9,3% des femmes. Transporteurs, policiers, militaires, personnel infirmier, aides-soignantes, employés de commerce, ouvriers qualifiés sont les plus concernés.
La qualité et la quantité de sommeil au cœur du problème
La désynchronisation des rythmes circadiens impacte la qualité du sommeil (difficultés d’endormissement, réveils nocturnes, réveils précoces, sensation de sommeil non réparateur). Ces symptômes peuvent conduire à des insomnies qui associées à des phénomènes de somnolence définissent la pathologie du travail posté (classification ICSD-3). Le déficit de sommeil peut également être quantitatif du fait de la difficulté à prolonger le temps de sommeil principal compte tenu des conditions environnementales défavorables (bruits, rythme social, obligations familiales). La perturbation du sommeil se poursuit bien souvent au-delà de la période d’activité professionnelle et peut parfois impacter l’individu même à la retraite.
Altération de la cognition ?
S’il n’y a pas d’élément de preuve associant TNP et troubles cognitifs, en revanche, le déficit en sommeil récupérateur tout comme la somnolence pourraient altérer les performances cognitives.
Des risques métabolique et cardiovasculaire augmentés
La réduction de l’activité physique et la désynchronisation circadienne des rythmes de sécrétion hormonales par privation de sommeil impactent directement le risque métabolique. En effet, plusieurs études épidémiologiques et expérimentales chez l’homme sain ont montré une association significative entre sommeil court (<5-6h) et risque d’obésité et de DT2. Au regard d'études récentes, le groupe d’experts de l’ANSES confirme "un risque probable de maladie coronarienne et un risque possible d’HTA et d’AVC."
Le risque cardiovasculaire (influencé notamment par le cortisol, la noradrénaline, la rénine, l’angiotensine, l’aldostérone) serait également augmenté.
Quid des cancers ?
Si des travaux menés en 2007 par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) ont mis en évidence la possible implication des rythmes de TNP dans la survenue et le développement de cancer du sein, le groupe d’experts de l’ANSES se veut plus mesuré. Après de nombreuses analyses il conseille d’améliorer le design des futures études afin de pouvoir bénéficier de résultats plus solides. Le CIRC considère quant à lui que le travail de nuit entraîne une perturbation circadienne classée comme « probablement cancérogène » (groupe 2A). Seul un lien entre TNP et cancer du sein a été établi. Pour les autres cancers, le nombre d’études épidémiologiques est bien trop faible. Cependant cinq mécanismes ont été identifiés comme pouvant avoir un rôle non négligeable dans la cancérogenèse : la désynchronisation circadienne ; l’exposition à la lumière durant la nuit et la suppression de la production de mélatonine ; les troubles du sommeil ; les facteurs liés au mode de vie (alcool, tabac, manque d’activité physique) ou certaines pathologies (obésité, perturbations métaboliques) et enfin la carence en vitamine D.
Impact sur la grossesse
Le risque spécifique des femmes enceintes en TNP a fait l’objet d’un consensus commun entre la HAS et le Collège des gynécologues obstétriciens. Des études ont montré que le TNP augmentait le risque d’avortement spontané, d’accouchement prématuré, d’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel. Ainsi, les femmes enceintes en TNP doivent informer le médecin du travail, de leur grossesse dès que possible. Le travail posté et le travail de nuit sont déconseillés à partir de 12 semaines d’aménorrhée.
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