Les empreintes digitales pourraient prédire la schizophrénie

  • Amapola Nava
  • Actualités Médicales
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Des chercheurs espagnols ont conçu un outil d’intelligence artificielle ayant été en mesure de distinguer les empreintes digitales de personnes atteintes de schizophrénie de celles de personnes non atteintes, avec une fiabilité de 70 %. Étant donné que les empreintes digitales restent stables tout au long de la vie, cet outil pourrait être utilisé pour détecter la maladie dès qu’elle est suspectée et pour en prédire l’apparition beaucoup plus tôt.

« Le diagnostic définitif de la schizophrénie nécessite un minimum de six mois, et ses symptômes sont fréquemment confondus avec d’autres maladies mentales, comme le trouble bipolaire. C’est pourquoi cette découverte est si importante car elle permettra de guider un traitement précoce » a expliqué l’auteur de l’étude, Raymond Salvador, de la Fondation de recherche FIDMAG Hermanas Hospitalarias à Barcelone, en Espagne.

Selon M. Salvador, l’outil pourrait cibler les personnes qui présentent des symptômes de la maladie ou qui se présentent aux urgences en raison d’un premier épisode psychotique mais il pourrait également être utile pour les personnes dont le risque génétique est important.

Des approximations ont déjà été faites auparavant, mais la taille de l’échantillon et les outils qui permettent une analyse aussi fine des empreintes digitales donnent à cette recherche une grande puissance, a commenté Humberto Nicolini du Laboratoire des maladies psychiatriques, neurodégénératives et addictives de l’Institut national de médecine génomique au Mexique, qui n’a pas été impliqué dans cette étude. « Ce qui rend cet outil très pertinent, c’est que, contrairement à d’autres, comme la neuro-imagerie, son coût est beaucoup plus faible, son utilisation est plus simple et il ne nécessite pas un équipement aussi sophistiqué » a expliqué M. Nicolini.

« D’une certaine manière, le fondement théorique illustre l’effet des variants polygéniques » a-t-il ajouté. « Il est bien connu que les empreintes digitales sont déterminées par de nombreux gènes ; en d’autres termes, elles sont de nature polygénique, tout comme la schizophrénie. En ce sens, nous pouvons penser que certains de ces polygènes impliqués dans la structuration des circuits cérébraux pourraient également influencer le développement des structures des empreintes digitales. »

C’est pourquoi il est estimé que les modifications génétiques survenant au cours du développement embryonnaire et susceptibles de provoquer une prédisposition à la schizophrénie pourraient également être à l’origine d’empreintes digitales anormales.

M. Salvador et ses collègues ont recruté 612 patients ayant reçu un diagnostic de schizophrénie (n = 544) et de trouble schizoaffectif (n = 68) dans 13 hôpitaux en Espagne et 844 participants en bonne santé.

Les images d’empreintes digitales ont été prises par du personnel spécialisé puis analysées à l’aide d’un modèle d’apprentissage profond et de plusieurs modèles de classification diagnostique.

Le modèle qui a donné le meilleur résultat était celui qui utilisait simultanément des images du pouce, de l’index et du majeur gauches. L’outil d’intelligence artificielle a été en mesure d’identifier les personnes atteintes de schizophrénie avec une précision de 70 %.

« Bien qu’une précision maximale de 70 % ne soit pas suffisante pour garantir un diagnostic exact, l’analyse des empreintes digitales peut s’avérer utile lorsqu’elle est associée à d’autres sources d’information qui ont également démontré une valeur prédictive, comme l’analyse génétique et l’imagerie cérébrale » a déclaré M. Salvador.

Un autre facteur limitant la précision du diagnostic est que les motifs qui se forment sur les doigts ne se développent que pendant la gestation, alors que d’autres processus ultérieurs peuvent également influencer le risque de développer une schizophrénie.

Ce facteur prédictif de risque pourrait néanmoins aider les cliniciens à détecter la maladie plus tôt.

Selon M. Nicolini, la prochaine étape vers la mise en place de cet outil dans la pratique clinique consisterait à croiser les informations des empreintes digitales avec celles de la charge génétique et à mesurer le facteur de risque polygénique afin de déterminer si les personnes qui présentent un plus grand nombre de ces altérations morphométriques des empreintes digitales ont une charge plus importante de gènes de la schizophrénie.

En outre, ce type de recherche doit être validé pour chaque population car les gènes sont répartis différemment dans chaque groupe humain. Dans cette étude, la population était exclusivement caucasienne.

« Il s’agit d’une recherche très intéressante, mais elle […] doit encore être confrontée à d’autres études, comme les études de neuro-imagerie. Il faut, de plus, faire preuve d’une grande prudence quant aux questions éthiques avant d’introduire cet outil dans la pratique clinique » a souligné M. Nicolini.

« Nous en sommes encore à un stade très préliminaire de la recherche et nous devons attendre des données plus concluantes » a-t-il ajouté. « Nous devons toujours faire très attention à ne pas générer de la stigmatisation. Et ne pas oublier que la schizophrénie est une maladie dont le phénotype peut varier, de très grave à léger. Les personnes vivant avec la schizophrénie peuvent mener une vie réussie et être tout à fait remarquables dans leur travail, en société, être de grands artistes, d’éminents scientifiques, etc. » a-t-il déclaré, évoquant le mathématicien et prix Nobel d’économie John Forbes Nash, qui vivait avec la schizophrénie et dont les contributions à la théorie des jeux étaient révolutionnaires.

Cet article a été initialement publié en espagnol sur Medscape Spain.