Les benzodiazépines ne doivent pas être banalisées

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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La Haute Autorité de Santé (HAS) publie une fiche « bon usage du médicament » à propos des benzodiazépines par voie orale. Onze d’entre elles sont indiquées dans le « traitement des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes », pour lesquelles leur SMR (service médical rendu) est « important ». Ces manifestations recouvrent deux situations : trouble anxieux (trouble anxieux généralisé, trouble panique avec ou sans agoraphobie, phobie sociale, trouble obsessionnel compulsif) et trouble d’adaptation au stress après un événement de vie difficile.

Des règles strictes de prescription

La HAS rappelle que les benzodiazépines ne doivent être prescrites qu’en cas de retentissement important de ces manifestations sur le fonctionnement quotidien et la qualité de vie. Il faut d’abord conduire une évaluation stricte du patient, non seulement de l’intensité de l’anxiété, mais aussi à la recherche d’une dépression ou d’un autre trouble psychiatrique, d’une origine somatique (par exemple, hyperthyroïdie) ou toxique (drogues, etc..).

La prescription sera limitée à 12 semaines : au-delà, elles perdent leur intérêt thérapeutique et exposent à un risque accru d’effets secondaires (troubles de la mémoire, baisse de vigilance, somnolence, troubles du comportement, risque de tolérance et de dépendance, de chutes chez le sujet âgé). Elle débutera par les doses les plus faibles possible. Aucune étude ne permet de conclure à la supériorité d’une benzodiazépine sur une autre. Il ne faut pas en associer plusieurs. Il faudra bien expliquer au patient les modalités de prescription et les risques associés (par exemple, l’interaction avec l’alcool, le risque de la conduite automobile). Une prise en charge psychologique sera proposée. Le traitement sera arrêté progressivement.

Prescrire au sujet âgé

Chez le sujet âgé, les symptômes anxieux peuvent se manifester sous forme de plaintes somatiques (douleurs, insomnie, sensation de gêne respiratoire, etc), de plaintes émotionnelles (irritabilité) ou de troubles cognitifs (attention ou mémoire). En cas de trouble anxieux généralisé isolé, la prise en charge repose soit sur un antidépresseur, soit sur une thérapie cognitivo-comportementale. Quel que soit le type de trouble anxieux, il est important de mettre en place un soutien psychologique du patient et de son entourage, un suivi rapproché avec évaluation régulière de l’efficacité et de la tolérance du traitement. Il faut éviter la prescription de benzodiazépines à demi-vie longue, du fait d’un sur-risque iatrogénique.

La prescription devra tenir compte du fait qu’il n’y pas d’étude d’efficacité de cette classe thérapeutique chez le sujet âgé, des modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques des médicaments liés à l’âge, de la fréquence des co-morbidités et de la polymédication et du risque accru de chutes, de perturbations cognitives et de réactions paradoxales.

Arrêter un traitement au long cours

La note de la HAS se penche enfin sur le problème de l’arrêt d’un traitement au long cours ou à posologies élevées. Elle rappelle qu’il doit être progressif, sur plusieurs semaines (en général entre 4 et 10), voire plusieurs mois. En cas d’échec, il faut encourager le patient à recommencer plus tard, après évaluation des raisons de cet échec. Enfin, la HAS insiste sur les mesures d’accompagnement non médicamenteuses : il n’y a aucun argument pour proposer un autre médicament pour le sevrage.