Les antidépresseurs ont-ils un intérêt réel dans la douleur chronique ?

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Une revue de la littérature a interrogé l’efficacité de 42 antidépresseurs dans 26 pathologies.
  • Une efficacité des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine/noradrénaline (IRSNa) a été observée pour les douleurs lombaires chroniques, les douleurs post-opératoires, la fibromyalgie et les douleurs neuropathiques, avec un niveau de certitude modéré.
  • Toutes les autres comparaisons à un placebo (n=31) n’ont pas montré d’efficacité ou n’ont pas permis de conclure sur ce critère.
  • Selon les auteurs, « ces résultats incitent à une approche plus nuancée lors de la prescription de ces molécules dans la douleur ».

Pourquoi est-ce important ?

Les antidépresseurs sont fréquemment utilisés pour soulager les douleurs chroniques rebelles. Les recommandations du NICE (National Institute for Health and Care Excellence, Royaume Uni) pour la prise en charge de la douleur chronique primaire (qui regroupe : fibromyalgie, douleurs orofaciales, syndrome douloureux régional complexe, douleurs viscérales ou musculosquelettiques) se sont prononcées contre les médicaments antalgiques, à l’exception des antidépresseurs. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) est plus mesurée et reconnaît que les médicaments sont peu efficaces dans la douleur chronique non cancéreuse, privilégiant une approche multimodale. Pour tenir compte des avancées les plus récentes, une revue de la littérature a questionné l’efficacité des antidépresseurs dans cette indication en fonction des pathologies concernées.

Méthodologie

La revue a recherché les essais contrôlés ayant évalué des antidépresseurs dans la douleur chronique, quelle que soit la pathologie concernée, dans quatre bases de données depuis leur origine jusqu’à juin 2022. Le critère principal d’évaluation était la douleur ou la fréquence des céphalées. La sécurité et la tolérance (nombre d’arrêt de traitement en raison d’effets indésirables) constituaient des critères secondaires.

Principaux résultats

Au total, 26 revues de la littérature publiées entre 2012 et 2022 ont été retenues. Elles avaient inclus 156 essais représentant plus de 25.000 participants. Ces essais couvraient 22 pathologies douloureuses différentes et avaient comparé 42 antidépresseurs à un placebo.

Neuf revues ont démontré que certains antidépresseurs étaient plus efficaces que le placebo dans 9 pathologies différentes, mais aucune avec un haut niveau de certitude (GRADE).

Un niveau de certitude modéré a été observé pour les douleurs lombaires chroniques, les douleurs post-opératoires, la fibromyalgie et les douleurs neuropathiques concernant le bénéfice des IRSNa, en particulier la duloxétine (11 comparaisons à un placebo) .

Des revues disposant d’un faible niveau de certitude ont montré une efficacité des IRSNa, des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) et des antidépresseurs tricycliques (ATC) : douleurs associées aux inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein et douleurs chroniques associées à la dépression et à la gonarthrose pour les IRSNa, douleurs chroniques associées à la dépression pour les ISRS (en particulier de la paroxétine), syndrome de l’intestin irritable, douleurs neuropathiques, et céphalées de tension chroniques pour les ATC.

Une absence d’efficacité par rapport au placebo a été relevée pour les ISRS par 4 revues dans les lombalgies, la dyspepsie fonctionnelle, la fibromyalgie et les douleurs thoraciques d’origine non cardiaque, avec un niveau de certitude faible à modéré. Une revue a pointé l’absence d’efficacité des ATC dans la dyspepsie fonctionnelle (niveau de certitude modéré).

Enfin, 18 revues n’ont pu conclure quant à l’efficacité des antidépresseurs (26 comparaisons à un placebo).