CMGF 2023 - Les inégalités de santé sont aussi des inégalités de genre
- Serge Cannasse
- Actualités Congrès
Une session du 16ème Congrès Médecine Générale France a été consacrée aux inégalités de santé et d’accès aux soins liées au genre.
L’histoire de la médecine occidentale est révélatrice des rapports de domination qu’exercent les hommes sur les femmes, auxquels les médecins n’échappent pas, et de la façon dont la culture impose des représentations des corps masculins et féminins. Chez les hommes, le corps féminin est objet de désir et de fascination, mais aussi de répulsion. À partir du vingtième siècle, il obéit de plus en plus à un impératif de séduction, même en cas de maternité, comme en témoignent les nombreux conseils en ce sens prodigués sur les réseaux sociaux.
Inégalités de genre, de classe, d’origine ethnique
Quelles en sont les conséquences sur la santé des femmes et leur prise en charge médicale ? Les sociologues parlent d’inégalités de genre. Le genre ne désigne pas le sexe biologique, mais l’ensemble des rôles et représentations assignées à une personne en fonction de son sexe apparent. Quelles qu’elles soient, les inégalités suivent un continuum tout au long de la vie : les processus de socialisation entraînent certaines attitudes envers le corps et les facteurs de risque pour la santé, des façons différentes de percevoir les mêmes symptômes, d’entrer en contact avec le système de soins et les prises en charge médicales et sanitaires. Ces inégalités sont cumulatives depuis la naissance jusqu’au décès, dynamiques (elles changent avec l’âge) et intersectionnelles, adjectif à la mode qui désigne simplement le fait que leurs facteurs sont intriqués : genre, classe sociale, origine ethnique.
Certains facteurs de risque peu liés au genre sont majeurs : en Île-de-France, la mortalité des hommes originaires d’Afrique sub-saharienne est huit fois plus élevée que pour la population générale, celle des femmes de même origine neuf fois plus. Ces différences s’expliquent par le rôle des conditions de vie et de travail (on connait le tribut payé par les aides-soignantes originaires d’Afrique sub-saharienne et travaillant en EHPAD pendant l’épidémie de Covid-19), ainsi qu’un moindre accès à la prévention et aux soins.
De fortes intrications entre inégalités
D’une manière générale, même en tenant compte des inégalités de classe et d’origine ethnique, les inégalités de genre sont une réalité, liée aux représentations sociales, qui influencent les attitudes des patients comme des médecins, ainsi qu’à la précarité économique et aux violences et agressions sexuelles, qui touchent d’abord les femmes. Quelques données illustrent la complexité des intrications entre facteurs d’inégalité.
- En France, l’espérance de vie à la naissance est supérieure de 6 ans pour les femmes (85,3 ans) par rapport aux hommes (79,4 ans). Cet écart n’est plus que de 1,3 ans pour l’espérance de vie en bonne santé (77,6 ans versus 76,3 ans), ce qui signifie qu’en définitive les femmes passent plus d’années que les hommes en mauvaise santé.
- Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité féminine (56% des femmes versus 46% des hommes), mais chez elles, elles surviennent en moyenne dix ans plus tard. Le rôle des œstrogènes a d’abord été invoqué, mais il n’est plus retenu (le traitement hormonal substitutif augmente le risque d’AVC de 30% !). De plus, depuis 15 ans, l’incidence de l’infarctus du myocarde (IDM) a augmenté de moitié chez les femmes de 35 à 60 ans. Sont sans doute en cause des facteurs comme le stress ou le tabac. Mais aussi le fait que l’IDM est sous-diagnostiqué chez les femmes. À cela plusieurs raisons : l’IM est réputé être une maladie masculine, les symptômes d’oppression thoracique sont plus volontiers attribués au caractère « émotif » des femmes, celles-ci ont tendance à minimiser leurs symptômes et appellent plus tardivement les urgences.
- L’autisme est sous-diagnostiqué chez les filles. Ce qui sera appelé « trouble de la communication » chez les garçons sera plus volontiers qualifié de « timidité ou attitude de réserve » chez les filles, dont les symptômes sont plus discrets.
- L’endométriose n’a commencé à être reconnue comme pathologie organique qu’en 1990 et ce n’est qu’en 2019 qu’elle a fait l’objet d’un plan national d’action.
- L’ostéoporose est sous-diagnostiquée chez les hommes car considérée comme une maladie féminine liée à la ménopause.
- Ça n’est que depuis une quinzaine d’années que la participation de femmes aux essais cliniques approche l’équivalence avec celle des hommes.
Les exemples de cette complexité peuvent être multipliés. Il faut notamment tenir un meilleur compte des conditions de travail, souvent défavorables aux femmes. Il apparaît nécessaire d’intégrer la thématique « genre et santé » dans la formation des professions médicales et paramédicales, de garantir l’accès aux soins des femmes précaires et de favoriser la parité hommes-femmes aux postes de responsabilité. L’objectif est de prendre conscience des différentes inégalités, dont celles de genre, sans les caricaturer en privilégiant les unes par rapport aux autres.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé