Le virage ambulatoire ne peut être que domiciliaire

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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L’Institut Montaigne travaille depuis longtemps sur les problématiques d’organisation des soins. Il vient de publier (février 2023) un long rapport sur ce qu’il est convenu d’appeler le « virage ambulatoire », dont il est superflu de redonner les raisons de sa nécessité, bien connues (vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques, progrès thérapeutiques, etc). Sa définition classique est « celle d’un changement d’organisation, faisant évoluer le système de santé d’une logique hospitalière à celle d’un mouvement allant de l’hôpital vers la ville. » Le rapport propose de l’élargir en la caractérisant comme « l’ensemble des dispositifs permettant à un patient de limiter le temps passé en établissement de santé. » Cette formulation laisse cependant l’hôpital comme le point stratégique de la prise en charge, même si le reste du rapport prend soin d’établir une échelle des besoins du patient en termes de technicité médicale (en gros, du généraliste, voire du paramédical, à l’établissement ultra spécialisé).

Le texte reprend de nombreux éléments déjà bien balisés par d’autres travaux. Comme tous ceux de l’Institut Montaigne sur la santé, il insiste sur l’obligation de numériser le maximum de données de façon notamment à faciliter la coordination entre professionnels et l’évaluation des besoins et des réponses qui y sont apportées. Mais il met aussi l’accent sur trois éléments qui jusqu’à présent n’ont pas été suffisamment promus.

En premier lieu, le virage ambulatoire ne peut qu’être aussi un « virage domiciliaire » : s’il n’est pas soigné dans un établissement de santé ou médicosocial, le patient ne peut l’être que chez lui. Une des implications intéressantes de ce constat est le rôle stratégique que peuvent jouer les prestataires de soins à domicile, en particulier les aides-soignant(e)s et les auxiliaires de vie. Ils sont en effet au contact quotidien des patients et peuvent, par exemple, alerter le professionnel de santé référent du malade d’un changement de son état de santé.

La qualité des soins avant les considérations budgétaires

En second lieu, l’objet du virage ambulatoire ne peut pas et ne doit pas être motivé par des considérations budgétaires, mais par l’amélioration de la qualité des soins. Il arrive que certaines innovations organisationnelles permettent de financer des soins à moindre coût pour une qualité égale. Mais c’est loin d’être la règle.

En troisième lieu, la formation des professionnels de santé, initiale aussi bien que continue, est un enjeu crucial sur deux sujets : la coordination, trop peu développée en France, et le management, c’est-à-dire la capacité à animer et organiser des équipes. Ces deux sujets se heurtent non seulement au manque de préparation des professionnels, mais aussi à des barrières financières (rémunération notoirement insuffisante) et réglementaires (par exemple, les communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS – sont soumises à des dispositifs bureaucratiques peu encourageants).

Le rapport ne se prononce pas sur le profil idéal du « coordinateur » ou du « manager », qu’il estime impossible à établir. En revanche, il énumère les différents candidats au poste et surtout cite et résume de nombreuses initiatives prises depuis quelques années par les professionnels comme par les pouvoirs publics. Certaines irritent de nombreux médecins libéraux, par exemple le rôle accru des infirmier(e)s de pratique avancée promu récemment par l’Assemblée nationale à l’instigation du gouvernement. Le rapport passe sous silence ces tensions, mais se déclare nettement en faveur de la plupart d’entre elles. Ses auteurs veulent même aller plus loin, par exemple en plaidant pour un financement au parcours de soins, donc mutualisé entre professionnels.

Et bien entendu, le patient doit être un acteur de sa prise en charge, en particulier grâce au « développement de modules d’éducation thérapeutique en ville et au domicile. »