Le rôle du généraliste et l’accès aux soins
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
Adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 19 janvier 20231 et votée après remaniement par le Sénat le 14 février2, la proposition de loi Rist continue à faire des remous. L’Académie de médecine a réagi à une de ses propositions phares3, et rejetée par les syndicats médicaux, sur la possibilité d’un accès direct des malades à certains infirmiers de pratique avancée et spécialisés, kinésithérapeutes, orthophonistes, qui auraient un droit de prescription encadré précisément. Elle « tient à rappeler la place qui doit être réservée au médecin traitant dans le parcours de soins du patient », à savoir :
- Assurer la prise en charge globale de sa santé,
- Exercer des actions de prévention, le premier recours médical, le suivi au long cours et la coordination des soins,
- Pratiquer une collaboration étroite au sein de structures médicales et paramédicales adéquates, éventuellement par le transfert de tâches, mais en conservant au médecin généraliste « sa place de coordonnateur et de référent personnel du patient tout au long de son parcours de soins. »
L’Académie ne se prononce pas sur le bien-fondé de la loi Rist, mais elle s’interroge sur son impact quant au rôle du généraliste, dont le métier est déjà soumis à de profonds « défis » : technologiques (développement de l’intelligence artificielle et de la télémédecine), évolutions diagnostiques et thérapeutiques rapides, posant le problème de la mise à jour des connaissances, professionnelles (travail en équipe) et sociétales (le patient est mieux informé). De plus, la profession se féminise, les praticiens souhaitent une réduction de leur temps de travail et une valorisation de leur rémunération, plus faible que celle de la plupart des autres spécialistes, bien que le généraliste soit considéré comme en faisant partie.
L’Académie estime que « le patient fait aujourd’hui état de la nécessité, d’une part, d’obtenir des informations médicales adaptées, d’autre part de bénéficier d’une prise en charge éclairée de sa maladie incluant la place du spécialiste. »
La saturation des urgences dépend de la densité médicale
Le ton et les préoccupations sont sensiblement différents à l’association Que Choisir, pour qui le souci principal des patients serait plutôt l’accès aux soins4 (notamment d’urgence), dont il faut rappeler qu’il est la raison de la disposition de la loi Rist sur l’accès direct des malades à des professionnels de santé non médicaux. Comme l’Ordre, l’association souligne les importantes disparités territoriales mais alors que l’Ordre rappelle que « en 50 ans, le nombre des généralistes a été multiplié par 3 quand la population n’a cru que de 17% », en reconnaissant la place importante des médecins « à exercice particulier », l’association cite la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) pour qui « d’ici à 2030, la densité de médecins libéraux va baisser de l’ordre de 5% », parce que cette population vieillit et que le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus est quasiment dénué d’effet. De plus, elle donne les résultats d’une « analyse économétrique inédite » qui montre qu’une « baisse nationale de 1% de l’offre de médecine de ville entraînerait plus de 100.000 passages supplémentaires aux urgences sur une année ! » D’où enfin son indignation devant le Forfait Patient Urgences, « ponction financière aberrante puisqu’elle fait reposer sur les usagers l’évaluation de leur propre état de santé », partant du « postulat qu’ils pourraient parfaitement consulter des médecins de ville plutôt que de participer à la saturation des urgences. »
Aussi l’association réclame d’organiser la permanence des soins en coordonnant médecines de ville et hospitalière, d’augmenter le nombre de médecins en formation et de piloter celle-ci « pour prioriser les spécialités et les régions où la démographie médicale est la plus insuffisante par rapport à la demande de soins. » Elle ne se prononce pas sur la disposition de la loi Rist portant sur les professionnels de santé non médecins, bien qu’elle la trouve « intéressante »5.
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