Le règlement européen sur les dispositifs médicaux est difficile à appliquer

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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À la suite du constat de graves insuffisances de la réglementation européenne portant sur les dispositifs médicaux (DM) et les dispositifs médicaux implantables (DMI), un règlement européen s’imposant à tous les États membres a été promulgué en 2017 (2017/745/UE, dit MDR - Medical Device Regulation). S’il constitue un progrès indéniable en termes de vérification de la sécurité et de l’efficacité des produits, il est apparu assez rapidement que sa mise en œuvre dans les délais impartis (date butoir au 26 mai 2024) allait rencontrer plusieurs difficultés posant un risque certain sur la disponibilité de ces DM. C’est pourquoi l’Académie nationale de médecine, rejointe par les Académies de pharmacie et de chirurgie, lançait un groupe de travail sur le sujet dès 2019. Compte-tenu de l’urgence de la situation, celui-ci a décidé de publier un premier communiqué sans attendre la finalisation de ses travaux.

Contrairement aux rapports antérieurs des Académies, ce travail ne se base pas d’abord sur une revue de la littérature, mais sur près de 40 auditions de représentants des parties prenantes concernées, y compris autorités de tutelles et associations de patients.

Les sociétés savantes de spécialités soulignent « l’absence ou la mauvaise organisation de l’évaluation clinique des DMI en pré et post commercialisation, due à l'absence ou au défaut d'exhaustivité des registres d’implants ». En conséquence, nombre de DMI ont rencontré des difficultés pour obtenir leur marquage CE. De plus, elles déplorent la « quasi disparition des innovations et la difficulté de traitement de certaines affections » en raison de la déficience de DM dits « de niche » ou orphelins.

Les entreprises et les fabricants attribuent ces difficultés à la complexité des mécanismes du règlement européen, qui entraîne de plus un risque d’arrêt de la commercialisation de certaines gammes de produits. La moitié de ces derniers sont utilisés et fabriqués en France et en Allemagne.

Or, le nombre des Organismes Notifiés (qui valident le marquage CE) est passé de 80 avant 2017 à 38 aujourd’hui, dont un seul en France (deux autres sont en cours de certification). Ces organismes soulignent l’obligation de leur recertification tous les 3 ans, ainsi que le manque d’experts qualifiés. Aussi le marquage CE de tous les DM et DMI dans les délais prévus est impossible : sur 28.000 utilisés en France et en Europe, seuls 1.500 à 2.000 ont été certifiés selon le nouveau règlement.

Alertés par la Fédération européenne des Académies de médecine, les ministres européens de la santé ont repoussé à 2028 l’application du nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux. Prise afin d’éviter les ruptures d’approvisionnement, cette décision va au-delà des recommandations des Académies (qui proposaient un report de deux ans). Il en a été de même pour les dispositifs de diagnostic in vitro. Le Parlement européen a voté à une très large majorité cette prolongation du délai, ainsi que l’allongement du délai de recertification des Organismes Notifiés de 3 à 5 ans.

Par ailleurs, les Académies de médecine, pharmacie et chirurgie ont émis plusieurs recommandations supplémentaires :

  • Surveiller la réalité du marquage CE des DM et DMI non encore validés ainsi que les éventuelles ruptures de stock et/ou modifications de gammes.
  • Généraliser les registres des implants pour en assurer la surveillance.
  • Favoriser et développer l’innovation relative aux DM/DMI et sécuriser l’utilisation des produits de niches et orphelins.
  • Veiller à l’évaluation annuelle clinique post-commercialisation par les fabricants des dispositifs déjà marqués CE.
  • Augmenter le nombre des Organismes Notifiés dans l’Union Européenne avec un objectif de plus d’une cinquantaine et les doter de moyens humains renforcés adaptés à l’importance de leur tâche.