Le « péché originel antigénique » aura-t-il un impact sur l’efficacité des vaccins bivalents contre le COVID-19 ?

Qu’est-ce que le péché originel antigénique ?

Également appelé « immune imprinting », le péché originel antigénique est un phénomène par lequel l’exposition initiale à un agent pathogène induit de façon efficace la production de lymphocytes B mémoires contre cet agent, mais limite le développement d’une immunité contre de nouveaux variants. Ainsi, quand le système immunitaire rencontre une version légèrement différente du même agent infectieux, il peut se piéger lui-même en privilégiant une réponse mémoire dirigée contre des épitopes bien conservés du premier agent plutôt qu’une nouvelle réponse plus adaptée aux nouveaux épitopes du variant.

Ce phénomène est par exemple observé avec le vaccin anti-grippal, notamment avec la souche A(H3N2) du virus de la grippe. En effet, la vaccination booste la réponse mémoire contre des épitopes bien conservés entre la souche vaccinale et les souches antérieures rencontrées par le sujet mais elle est moins efficace pour induire de nouveaux anticorps neutralisants durables contre les épitopes du nouveau variant. Cela limite la protection contre le nouveau variant qui peut échapper aux anticorps neutralisants dirigés contre la souche initiale. Ainsi, quand l’efficacité globale du vaccin contre la souche A est d’environ 60%, l’efficacité contre la souche A(H3N2) n’est que d’environ 33% les saisons où les souches présentes dans le vaccin sont bien adaptées aux souches circulantes et tombe à environ 23% les saisons où les souches ne sont pas bien adaptées. Ce phénomène est moins observé avec les souches A(H1N1) et B.

Quel impact sur les vaccins bivalents contre le Covid-19 ?

S’il a un impact sur le vaccin anti-grippal, on ne sait pas encore si le péché originel antigénique en aura un sur les vaccins contre le COVID-19. En effet, les adultes ont été exposés de nombreuses fois au virus de la grippe de souche A durant leur vie, alors que le SARS-CoV-2 est un nouveau virus et moins de personnes ont déjà été exposées à plus d’une souche virale ou vaccinale de SARS-CoV-2. Or, il est possible que plusieurs expositions à différentes souches soient nécessaires pour laisser une empreinte plus efficace de la souche ancestrale sur la réponse immunitaire mémoire à cellules B et ainsi limiter la production d’anticorps neutralisants contre de nouvelles souches.

Les anticorps non neutralisants et la réponse cellulaire T envers les épitopes conservés entre les différentes souches virales joueront un rôle dans l’immunité contre les nouveaux variants mais pourraient être potentiellement moins efficaces que la réponse par anticorps neutralisants. Il semble vraisemblable que les vaccinations et infections récurrentes vont devenir fréquentes et que ce phénomène de péché originel antigénique devienne une question de plus en plus importante à envisager, car il pourrait entraîner une baisse de l’efficacité des vaccins adaptés à de nouveaux variants. Il est important d’étudier l’impact de ce phénomène avec le SARS-CoV-2 et de commencer à chercher des solutions.