Le droit d’accès à l’IVG a-t-il besoin d’une protection constitutionnelle spécifique ?
- Actualités Médicales
L’Assemblée nationale a voté à une écrasante majorité l’inscription du « droit à l’avortement » dans la Constitution. Le Gouvernement y est favorable, ainsi que les quatre cinquièmes des Français. Seul le Sénat marque quelque réticence. La proposition fait bien entendu suite à la récente décision de la Cour Suprême américaine, supprimant l’arrêt Roe vs Wade qui faisait de l’IVG un droit constitutionnel au niveau fédéral. Désormais, c’est à chaque État de décider.
En France, le principal argument invoqué par les personnes favorables à l’inscription constitutionnelle est qu’elle constitue la meilleure garantie contre une attaque éventuelle contre ce « droit ». Même si celui-ci n’est en rien menacé actuellement, nul ne peut dire ce qu’il en sera à l’avenir, d’autant que récemment des restrictions, voire des interdictions, ont été proposées ou acceptées dans quelques pays européens (Pologne, Espagne, Malte, Portugal, Slovaquie notamment).
Cependant, les arguments des objecteurs ne sont pas à rejeter d’emblée. Pour Bertrand Mathieu, constitutionnaliste et professeur à l’École de droit de la Sorbonne Paris 1, l’accès à l’IVG n’est pas un droit mais une liberté (d’où les guillemets entourant le mot « droit » dans cet éditorial), celle des femmes à disposer librement de leur corps. Elle est déjà garantie par la Constitution, comme l’a réaffirmé le Conseil constitutionnel. Il ajoute que le texte oblige donc à prendre en compte aussi la protection du fœtus : « Si on reconnaissait un véritable droit à l’avortement, cela aboutirait à reconnaître à la femme un droit absolu sur la vie du fœtus, en excluant la prise en compte de ce qui reste de protection de ce dernier. » Ce serait introduire un conflit entre le droit subjectif à disposer de son corps et le droit objectif à la protection de la vie, qui s’étendrait de fait au « droit » à l’euthanasie.
On reconnaîtra les arguments classiques des opposants à l’IVG. Mais même ceux qui y sont favorables s’inquiètent d’une instrumentalisation politique de la proposition. Ainsi, pour Alain Simon, Contrôleur général économique et financier honoraire, s'exprimant dans Le Monde, le débat devrait plutôt porter sur la meilleure façon de garantir les libertés fondamentales.
Reste que l’inscription dans la Constitution est un long chemin d’obstacles. Il faut que l’Assemblée nationale et le Sénat soient d’accord sur le même texte, ce qui est loin d’être gagné. Par la suite, un référendum doit être organisé. En conséquence, il semble légitime de se demander s’il s’agit vraiment d’une urgence, étant donné les défis auxquels le pays doit faire face et qui réclament l’attention de nos parlementaires et de notre population.
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