Le dépistage de masse de l’anévrisme de l’aorte abdominale est-il toujours pertinent ?

  • Johansson M & al.
  • Lancet

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • En Suède, le dépistage systématique de l’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) chez les hommes de 65 ans et plus montre que 2 décès peuvent être spécifiquement évités à 6 ans pour 10.000 participants, mais ce résultat n’est pas significatif. Parallèlement, le surdiagnostic et le surtraitement (chirurgie programmée) concerneraient respectivement 49 et 19 hommes pour 10.000 sujets dépistés. Le bénéfice apporté par le dépistage systématique depuis le début de sa mise en place aurait donc diminué plus fortement que les risques qui lui sont associés, ce qui invite à rediscuter l’intérêt du dépistage de masse.

  • Selon les auteurs, la diminution de l’incidence et de la mortalité associée à l’AAA mise en évidence dans cette étude sur l’ensemble de la population suédoise relève d’autres paramètres que le dépistage : importante baisse du tabagisme, mais aussi développement des examens d’imagerie permettant de poser des diagnostics fortuits d’AAA.

Pourquoi est-ce important ?

Dans les années 1980 et 1990, des études cliniques randomisées – bien qu’associées à des résultats hétérogènes - avaient incité certains pays à mettre en place le dépistage systématique de l’AAA. La Suède a ainsi lancé un programme spécifique en 2006, initié dans quelques régions et progressivement élargi pour couvrir l’ensemble du pays en 2015. Dans le délai, l’incidence de l’anomalie aortique a diminué de plus de 70% dans ces pays. À la lumière de cette dynamique, il est important de réévaluer le bénéfice-risque du dépistage.

Principaux résultats

  • Entre 2000 et 2015, la mortalité liée à l’AAA a diminué de 36 à 10 décès pour 100.000 hommes de 65-74 ans et de 90 à 60/100.000 chez les 75-99 ans.

  • Chez les sujets dépistés, la mortalité à 6 ans liée à l’AAA après ajustement a diminué de 24% par rapport aux sujets non dépistés mais cette différence n’était pas significative (ORa : 0,76 |0,38-1,51]), avec un bénéfice non significatif de 2 décès évités pour 10.000 dépistages.

  • Chez les sujets dépistés, le risque de diagnostic d’AAA à 6 ans était de 1,52 (ORa, [1,16-1,99], p=0,02) après ajustement par rapport aux sujets non dépistés, soit un surdiagnostic potentiel de 49 AAA pour 10.000 dépistages. Enfin, le risque de chirurgie programmée pour AAA à 6 ans était de 1,59 (ORa, [1,20-2,10], p=0,001) après ajustement par rapport aux sujets non dépistés. soit un surtraitement potentiel de 19 sujets pour 10.000 dépistages.

Méthodologie

Les données des 25.265 hommes ayant participé au dépistage entre 2006 et 2009 ont été comparées à celles de 106.087 hommes appariés sur l’âge n’ayant pas participé. Les tendances nationales et chronologiques ont été parallèlement évaluées à partir de tous les hommes de 40 à 99 ans entre 1987 et 2015 et n’ayant pas participé au programme.

Limitations

  • Il s’agissait d’une étude rétrospective dans laquelle le bénéfice-risque du dépistage a été évalué à 6 ans après l’examen d’imagerie. Les résultats auraient pu être différents si la durée du suivi choisie avait été plus longue.
  • L’ajustement, s’il a été conduit sur des paramètres socioéconomiques et démographiques, n’a pu être intégrer certains items importants comme le tabagisme.

Financement

L’étude a bénéficié de fonds publics suédois.