Le congrès du sommeil 2022 - Prédire le risque cardiovasculaire associé aux apnées, et le prévenir

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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Les données épidémiologiques de cohortes de patients présentant un syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) montrent que les patients somnolents (selon le score d’Epworth) sont ceux qui ont le moins bon pronostic cardiovasculaire. Si la somnolence constitue sans doute un signe d’appel de gravité, et incite à une prise en charge du SAOS par pression positive continue (PPC), qu’en est-il des sujets moins ou non symptomatiques, qui constituent la majorité des cohortes apnéiques et dont le devenir cardiovasculaire apparaît hétérogène ? Lors du Congrès du sommeil, qui s’est tenu à Lille du 23 au 25 novembre 2022, le professeur Raphaël Heinzer (Lausanne, Suisse) a évoqué les perspectives apportées par de nouveaux marqueurs du risque cardiovasculaire (CV), plus spécifiques que le score très générique que constitue l'indice d'apnées/hypopnées (IAH).

L’IAH est essentiellement un marqueur général de la sévérité du SAOS, utilisé depuis le développement de la polysomnographie. Il entre dans la définition du SAOS (>5 avec symptômes ou comorbidité, ou >15 sans symptômes). Cependant, cet indice n’est qu’imparfaitement corrélé à la désaturation, qui a un rôle important pour le pronostic. Il regroupe peut-être également dans un même stade de sévérité des patients au profil hétérogène. En conséquence, le bénéfice cardiovasculaire de la PPC chez des individus IAH >16 en situation de prévention secondaire n’a pu être clairement décrit dans des études dédiées.

Avec les enregistrements numériques, l’analyse des enregistrements peut être beaucoup plus précise qu’un simple comptage d’évènements d’apnée ou d’hypopnée sur un tracé papier. Aussi, plusieurs marqueurs sont prometteurs, selon les données de la littérature :

- La charge hypoxique (hypoxic burden, HB) permet de connaître l’importance des désaturations (une valeur de 40 veut par exemple indiquer 10 min de désaturation à 4% ou 40 minutes à 1%). Le risque de mortalité CV augmenterait avec la sévérité de cette charge hypoxique. Il existerait aussi une association entre le risque d’AVC et la sévérité de l’HB.

- La chute de l’amplitude de l’onde de pouls (pulse wave amplitude drop ou PWAD). L’amplitude de l’onde de pouls est corrélée au volume sanguin au niveau de la pulpe du doigt. La PWAD reflète la vasoconstriction périphérique liée à l’activation sympathique. Selon les données de la littérature, un IAH > 15/heure combiné à un index bas de baisse de l’amplitude, est associé à un risque CV accru.

- ΔHR correspond à la différence entre la fréquence cardiaque maximale à l'ouverture des voies respiratoires et la fréquence cardiaque minimale lors d’un événement respiratoire. Une valeur élevée correspondrait à un risque CV associé plus important.

- La modification de la structure du sommeil observée lors de l’enregistrement nocturne. Chez des patients SAOS, ceux qui ont le moins d’ondes delta, ainsi que des fuseaux de sommeil moins nombreux ou moins amples - reflets d’une mauvaise qualité de sommeil - ont un risque CV accru.

Quels patients peuvent bénéficier de la PPC ?

Grâce à des études de randomisation par score de propension, permettant de pairer des individus ayant les mêmes risques CV hors essai clinique randomisé, une analyse ayant regroupé 88.000 patients français [1] a permis de montrer que la poursuite du traitement par PPC au-delà de 1 an d’utilisation est associée à un risque significativement plus faible de décès toutes causes confondues par rapport à son arrêt après 1 an (hazard ratio 0,61 [0,57-0,65], p< 0,01) et d'insuffisance cardiaque (HR 0,77 [0,71-0,82], p<0,01). Une autre étude française a confirmé l’association dose-réponse entre l’adhésion à la PPC et le risque d’évènements CV majeurs [2]. Cependant elle montre que le bénéfice est significatif pour les patients en prévention primaire et non ceux en situation de prévention secondaire. L’utilisation des marqueurs émergents dans l’évaluation du bénéfice CV de la PPC le confirme en suggérant que ceux qui sont déjà un ΔHR élevé ou un PWAD bas ont sans doute une fonction autonomique ou endothéliale déjà très altérée et donc peuvent moins tirer un bénéfice de l’utilisation de la PPC.