La téléconsultation, un outil à maîtriser

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Depuis plusieurs années, Alexandre Mathieu-Fritz, sociologue, étudie comment la télémédecine modifie les pratiques des soignants. Le site La Vie des Idées a publié un compte-rendu de son livre, qui s’appuie sur deux recherches. La première porte sur un dispositif mis en place entre un hôpital gériatrique et un CHU (Centre hospitalo-universitaire), le second sur des téléconsultations effectuées par des psychiatres et psychologues.

L’auteur insiste d’abord sur la nécessité pour les praticiens d’établir quatre types de cadrage pour un bon déroulement de la consultation : relationnel (postures, regards, …), professionnel (qui est présent, qui fait quoi, …), instrumental (vérification des aspects techniques) et organisationnel (horaires, durée, …). Ces cadrages sont nécessaires pour optimiser la relation médecin-patient (par exemple, pallier au risque perçu de désumanisation) comme pour celle entre professionnels (ainsi, pour les consultations de gériatrie, contrer la crainte du médecin demandeur de dévoiler une insuffisance de compétence vis-à-vis du médecin consulté). Paradoxalement, ce demandeur accroît ses connaissances au fil du temps, du fait des consultations et de son travail personnel, ce qui induit la diminution de ses demandes de téléconsultations. Celles-ci sont donc des facteurs d’amélioration professionnelle.

En santé mentale, la téléconsultation peut être un moyen de diversifier ses pratiques et d’élargir sa clientèle. Mais beaucoup de professionnels la vivent a priori comme une gageure, en particulier les psychanalystes, qui ont du mal à l’intégrer dans leur pratique. En effet, leur bilan n’est pas univoque. D’un côté, tous s’accordent à les trouver inadaptées pour les cas graves. Surtout, ils craignent qu’elles renforcent l’attitude consumériste de bon nombre de patients, à la recherche d’une prestation « temporaire, opportuniste, au détriment d’une relation personnelle et durable. » Enfin elles impliquent de renoncer à certaines méthodes (par exemple, des tests) et thérapies (familiales, de couples, d’enfants).

D’un autre côté, les praticiens constatent des « vertus paradoxales » aux téléconsultations : « facilitation de la verbalisation, libération de la parole ou désinhibition sociale et interactionnelle. » Cela ne peut se faire qu’au prix des cadrages mentionnés. L’auteur parle ainsi d’une « transposabilité seulement partielle » de la consultation « classique » vers la téléconsultation.

Ces réticences expliquent que beaucoup évoquent un problème de réputation vis-à-vis de leurs collègues, la téléconsultation n’étant pas encore passée dans les mœurs. L’auteur n’hésite pas à parler de coming-out social pour ceux qui sautent le pas.

Il conclut sur le constat que les nouveaux outils numériques de travail ne sont pas fixés, mais en train de se faire. Pour lui, ils s’intègrent dans une « redéfinition profonde du travail, de son organisation et des pratiques professionnelles. »