La régulation de l’installation médicale en Allemagne

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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La disparité d’accès aux médecins libéraux en France est à l’origine de diverses propositions et mesures visant à réguler leur installation. Pour les argumenter, la comparaison avec d’autres pays est souvent employée. Dans The Conversation, un chercheur en sciences politiques examine si l’Allemagne peut être une référence.

Il note d’abord une différence majeure entre les deux pays. La France lutte contre la sous-densité médicale, alors que l’Allemagne a longtemps cherché à pallier une sur-densité. Sa politique s’est faite en plusieurs étapes. La première date de 1976, avec l’introduction de statistiques sur la répartition des praticiens sur le territoire national. En 1993, celui-ci est découpé en 395 zones de planification et des « densité cibles » sont fixées pour 14 spécialités (généralistes, neurologues, psychiatres, etc). Un médecin ne peut s’installer que dans une zone où la densité ne dépasse pas de 10% le seuil déterminé. En 2013, l’objectif n’est plus seulement de lutter contre la sur-densité médicale, mais aussi contre les zones de sous-densités : le seuil est évalué en tenant compte de la structure démographique de la zone (âge et sexe). Enfin, en 2021, l’évaluation devient encore plus fine : le nombre de zones passe à 883, l’état de santé de la population est intégré (basé sur les données fournies par les médecins), de même que la distance en voiture entre populations et cabinets.

Des politiques conçues avec les médecins

Deuxième différence majeure avec la France : cette politique est largement acceptée par les médecins. Cela tient en grande partie au fait que les médecins sont partie prenante des comités de pilotage régionaux (associations de médecins conventionnés et assurance maladie) et fédéraux (médecins, caisses d’assurance maladie et hôpitaux, sous supervision légale du ministère de la Santé). Les discussions sont basées essentiellement sur des rapports rédigés par des instituts privés et financés par les parties prenantes. L’un des derniers publiés indiquait que la majorité des personnes interrogées obtenait un rendez-vous chez un médecin en seulement quelques jours.

Ce sont les médecins allemands qui mettent en œuvre les limitations à l’installation car, d’une manière générale, ils gèrent nombre d’aspects de l’organisation de leur exercice, y compris la distribution du budget ambulatoire. Cette intégration institutionnelle forte a cependant un prix : la complexité administrative pour définir le périmètre de chaque profession, faire remonter les données, organiser la concertation avec les caisses d’assurance maladie, etc. Comme en France, l’impératif de contrôle budgétaire entraîne une place de plus en plus grande de l’État dans ces politiques.

Deux autres différences majeures : la démographie médicale et la rémunération par capitation

L’Allemagne a 40% de médecins en plus que la France. Elle compte 4,5 médecins en exercice pour 1.000 habitants contre 3,2 pour l’Hexagone, dont la population est deux fois moins dense (121 habitants/km2 contre 232). Cette question de densité de population est importante : en Allemagne, aucun habitant n’est loin d’un centre urbain avec pour conséquence qu’un médecin s’installant à la campagne reste proche de nombreux services publics et privés, au contraire de beaucoup de territoires français.

Enfin, contrairement à la France, la rémunération des médecins allemands repose essentiellement sur un système de capitation : une somme fixe pour chaque patient et par trimestre. La rémunération à l’acte existe, mais plus le nombre d’actes est élevé, moins le prix à l’acte est important. Cependant, ce sont les médecins eux-mêmes qui gèrent cette enveloppe dite « fermée ».

Ces différences impliquent-elles que les dispositions allemandes ne sont pas transférables à la France ? L’auteur pense qu’elles peuvent l’être dans une certaine mesure, car les deux systèmes ont aussi des ressemblances. En effet, les deux pays introduisent de plus en plus des dispositifs semblables : maisons et centres de santé, coordinations des soins, référentiels de bonne pratique, outils incitatifs, etc.